Rééquilibrer les assiettes par l’innovation
The Shift Project, un think tank qui œuvre en faveur de la décarbonation de l’économie, recommande de réduire de 75 % notre consommation de viande rouge. Côté nutritionnel, la commission d’experts internationaux EAT-Lancet va dans le même sens en préconisant une réduction de plus de 50 % de la consommation de viande rouge et de sucres ajoutés, et un doublement de la consommation de graines, fruits, légumes et légumineuses. Le tout pour atteindre une moyenne de 14 g seulement de viande rouge et 31 g de sucres ajoutés maximum par jour. Ce rééquilibrage est donc nécessaire à la fois pour la santé humaine et pour les écosystèmes, quand produire 1 kilo de viande de porc nécessite 190 litres d’eau et jusqu’à 500 litres pour la viande de bœuf selon l’Inrae (qui ne comptabilise pas l’eau de pluie).
Quelques
centimètres
de muscle animal
en trois semaines
L’alternative peut-elle venir des labos ? Le premier steak de bœuf par culture de cellules souches prélevées sur des animaux a été obtenu, en 2013, par une équipe néerlandaise. La start-up israélienne Aleph Farms continue sur cette lancée depuis 2017 et fabrique quelques centimètres de muscle animal en trois semaines, en arguant des bénéfices pour le climat. Si la viande in vitro n’est pas forcément au goût des Français, la perspective séduit les pays du Golfe, qui importent 85 % de leur alimentation, dont 62 % de leur viande (source PWC). Aleph Farms a ainsi reçu un investissement de 105 millions de dollars d’un fonds d’Abu Dhabi en juillet 2021. Les pays du Golfe investissent également dans l’entomophagie, la nourriture à base d’insectes – dont la France est un des leaders. Ils ont, par exemple, participé à l’impressionnante levée de fonds de 250 millions d’euros, en septembre dernier, de l’entreprise des Hauts-de-France Innovafeed. Dans l’Hexagone, l’élevage d’insectes à destination de l’alimentation animale permet de produire 10 à 100 fois moins de gaz à effet de serre que celui des porcs, et offre un excellent taux de conversion : 2 kilos d’aliments sont nécessaires pour produire 1 kilo d’insectes contre 8 pour 1 pour les bovins.
Créer des végétaux aux super pouvoirs
Dans les laboratoires, la recherche s’intéresse à la biologie synthétique, et notamment à la technique des ciseaux génétiques (CRISPR-Cas9) qui permet d’éditer précisément de l’ADN. On peut créer des végétaux aux super pouvoirs, des champignons blancs qui ne noircissent pas… Aux États-Unis, ces organismes modifiés ne sont pas réglementés car ils ne contiennent pas de gènes provenant d’un autre organisme. La Cour de Justice européenne, elle, a considéré que ces organismes obtenus par mutagénèse sont des OGM. Pour contourner l’application limitée qui en découle, d’autres pistes sont donc testées, comme le développement de micropeptides. L’entreprise toulousaine Micropep Technologies utilise ces petites molécules, qui régulent l’expression de certaines protéines, accélératrices ou réductrices de la croissance d’une plante. Et l’entreprise vient de lever 8,75 millions d’euros avec un objectif commercial en 2025.