Nouvelle-Aquitaine • L’autonomie protéique par les graines
Pour limiter la fertilisation azotée, l’agriculture française veut optimiser l’utilisation des protéagineux en doublant les surfaces en légumineuses.
Dans les Deux-Sèvres, à Saint-Aubin-le-Cloud, près de 1 000 agriculteurs étaient réunis, en juin 2022, pour le premier salon PBS (les initiales des entreprises organisatrices). « En route vers l’avenir », organisé par trois négociants agricoles locaux, présentait 400 essais de cultures sur une parcelle de 13 hectares. L’objectif : mettre en avant l’innovation pour produire autant mais mieux, en préparant « l’après-phyto » et en plaçant l’enjeu décisif de la souveraineté alimentaire au cœur des échanges entre professionnels.
Le Green Deal fixe
une diminution
des fertilisants
azotés de synthèse
Au programme, la valorisation des effluents d’élevage pour en faire des engrais naturels ou la présentation des avantages de l’utilisation de petits insectes (les trichogrammes) comme agents de lutte biologique contre plusieurs papillons ravageurs, dont la pyrale du maïs et le carpocapse des pommes et des poires, par exemple. Mais aussi, une démonstration de toastage de graines de lupin, une stratégie pour faire disparaître la fertilisation azotée et remplacer les protéines issues des tourteaux OGM d’Amérique pour l’alimentation animale. Parmi les organisateurs, le gérant de Pasquier VGtal (le P de PBS), Christophe Pasquier, a en effet participé à la création, en 2016, de Protéa Thermic, une activité qui a pour ambition l’autonomie protéique de ses clients agriculteurs des Deux-Sèvres et du Poitou. L’objectif est d’optimiser l’utilisation des graines protéagineuses (lupins, pois, féveroles, soja, méteils) par un traitement thermique grâce à un toasteur à graines. La cuisson rapide à 280 °C de ces grosses graines riches en protéines permet un stockage pendant un an et détruit les impuretés, les insectes et les champignons.
Améliorer la digestibilité des protéines par les animaux
Ce procédé thermique permet ainsi de limiter l’utilisation de produits phytosanitaires, favorise l’autoconsommation des graines par les fermes et améliore la digestibilité des protéines par les animaux. L’objectif est ainsi de développer localement les assolements en plantes riches en protéines pour diminuer la dépendance des élevages aux tourteaux de soja. Valoriser les graines de protéagineux, essentiellement utilisées pour l’alimentation animale, renforce la diversité des cultures, et favorise donc la biodiversité. C’est également une stratégie zéro azote car les protéagineux ne consomment pas d’intrants azotés, grâce à leur interaction mutualiste avec des bactéries fixatrices du composant gazeux. Leur faculté à fixer celui de l’air permet d’alimenter la culture qui suit, l’ensemble de la rotation bénéficiant de cet apport azoté naturel. L’intérêt agronomique et climatique des légumineuses est plus global, comme en témoigne la Stratégie nationale pour les protéines végétales qui ambitionne un doublement des surfaces cultivées en légumineuses entre 2020 et 2030. Cela permettra de s’accorder au Green Deal européen, qui fixe une diminution du recours aux fertilisants azotés de synthèse. En France, en 2020, le lupin ne couvrait, par exemple, que 5 878 hectares et était en forte diminution partout sauf, depuis 2019, dans les Pays de la Loire et le… Poitou.