Questions à… Vincent Doumeizel, conseiller pour l’océan à l’ONU, cofondateur de la première coalition mondiale des algues, Safe Seaweed Coalition
Quel potentiel pour l’algoculture en France ?
Il y a une chaîne de valeurs à développer sur tout le territoire. La France a une exceptionnelle biodiversité algale, le deuxième territoire maritime au monde et des poches de compétences. La Bretagne est un excellent pôle de développement avec nombre de start-up innovantes. Les territoires ultramarins ont des types d’algues très différents aux applications variées. En Normandie, on crée des bioraffineries à base d’algues pour extraire des composants d’intérêt. En Bourgogne, des productions viticoles s’intéressent à extraire des composés substituts aux fertilisants chimiques…
Comment accélérer ?
En levant le frein lié à la complexité de l’accès à la mer. Il y a une frilosité à attribuer des concessions car elles renvoient à l’image des algues invasives et il existe déjà une grande concurrence dans les activités maritimes. Comme pour les éoliennes, personne ne veut avoir un champ d’algues en face de chez soi. En France, nous n’avons qu’une seule grande ferme, vers Lesconil (Finistère). Les pêcheurs locaux, qui étaient d’abord très réticents, sont finalement ravis car il y a une explosion de la diversité des poissons grâce à l’apport des nutriments.
Comment convaincre les Français d’adopter les algues ?
On cultive essentiellement des algues asiatiques. Une telle algoculture en France, c’est comme développer l’agriculture dans la Beauce en ne cultivant que le riz, la goyave et la banane ! Il faut un effort de recherche pour domestiquer des algues endémiques. Et, oui, éduquer aux bienfaits et créer le marché. Les patates ou le cacao, crus, ce n’est pas bon. Si vous en faites du chocolat ou des frites, c’est sympa. Et les algues, c’est délicieux si on les cuisine bien !
Les algues, une source et des ressources d’avenir
Une ressource nutritive disponible dans toutes les mers et dont la culture ne nécessite pas d’eau douce ; une alternative au plastique, aux fertilisants, au coton ; une solution de décarbonation de l’économie et de régénération des écosystèmes… En somme, « les algues pourraient apporter de nouvelles sources de revenu aux populations côtières qui vont voir les ressources de la pêche inexorablement décliner », confirme Vincent Doumeizel, auteur de « La Révolution des algues » (éd. des Équateurs, 2022).