Brésil • L’agroforesterie ancestrale au secours de l’Amazonie
Responsable à 84 % de la déforestation, l’agriculture revient à des pratiques ancestrales dans certaines régions du Brésil, dont celle du nord-est du Pará, l’un des plus anciens fronts de déforestation.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture productiviste a commencé à voir l’arbre comme un intrus sur des parcelles privilégiant la monoculture, la simplification des assolements et les produits phytosanitaires. Aujourd’hui, le rôle bénéfique des arbres hors-forêt est redécouvert et, notamment dans le cadre de la PAC, l’agroforesterie est désormais soutenue. Association d’arbres et de cultures ou d’animaux sur une même parcelle, cette méthode permet une meilleure utilisation des ressources, une plus grande diversité biologique et la création d’un microclimat favorable à l’augmentation des rendements. En France, de 2021 à 2023, le programme Plantons des haies vise à soutenir techniquement et financièrement la mise en place des systèmes agroforestiers dans toutes les régions. C’est du côté de l’Amazonie brésilienne que le Centre de coopération international de recherche agronomique pour le développement, le Cirad, observe cette pratique ancestrale et ses enseignements.
Des activités agricoles dans des clairières temporaires ouvertes en forêt
Très déboisée, la région du nord-est du Pará possède encore des vestiges de la forêt primaire, mais elle est surtout l’un des plus anciens fronts de la déforestation qui a frappé toute l’Amazonie brésilienne. L’Institut amazonien d’agriculture familial explique le déclin de la production par le système de culture sur brûlis, longtemps important dans cette zone.
Un quart de ce poumon
forestier est dans un état
de dégradation avancé
Néanmoins, depuis une vingtaine d’années, des agriculteurs ont modifié leurs pratiques en passant à une agriculture de rotation ou en adoptant l’agroforesterie en plantant différentes espèces forestières et agricoles complémentaires. Autour des municipalités de Bragança, Tomé-Açu, Capitão Poço et Irituia, des agriculteurs familiaux, dont les exploitations ne dépassent pas 50 hectares, ont implanté ces systèmes agroforestiers. Le projet Refloramaz (Restauration forestière par les agriculteurs familiaux en Amazonie orientale), un partenariat entre l’Embrapa, l’Université fédérale de Pará (UFPA) et le Cirad, évalue comment les intérêts socioéconomiques de ces communautés s’ajustent à la question environnementale. Les Indiens de l’Amazonie pratiquent notamment des activités agricoles dans des clairières temporaires ouvertes en forêt : les champs sont abandonnés au bout de deux à quatre ans et la forêt réoccupe rapidement ces espaces temporairement déboisés. Les hauts niveaux de biodiversité y sont maintenus, permettant d’éviter les attaques de parasites et les maladies qui touchent les monocultures. Ces pratiques ancestrales sont adaptées à la fragilité de sols inadaptés aux systèmes de production agressifs utilisant intrants et engins lourds. Le projet Refloramaz consiste donc à observer ceux qui pratiquent déjà l’agroforesterie et à transmettre cette expérience durable à d’autres agriculteurs familiaux. Et il y a urgence. Si, en Amazonie, 16 % des zones déforestées sont recouvertes de forêt secondaire, environ sept millions d’hectares et sont donc considérées comme des zones restaurées, un récent rapport publié par un regroupement d’organisations environnementales amazoniennes et la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien estime, lui, que la forêt pluviale a atteint son point de bascule. Ce moment où la forêt n’est plus capable d’entretenir ses propres pluies, sous l’effet conjugué de la déforestation et du changement climatique. Quelque 26 % de l’Amazonie se trouvent dans un état de dégradation avancé. Au Brésil, ce pourcentage monte à 34 %