Le lombric, le champion des sols vivants
Favoriser la biodiversité agricole est un art à part entière. La recherche agronomique invite les agriculteurs à se passer de labour en s’associant aux vers de terre pour fertiliser les sols.
« Le labour n’est pas une solution pour l’avenir », expliquait le biologiste spécialisé en botanique et mycologie, Marc-André Selosse, lors du festival Biovivart, qui se déroulait en août, à Alénya, dans les Pyrénées-Orientales. Au cours de la conférence intitulée « Pourquoi le sol est l’origine du monde », il précisait ainsi que « le labour est rentable à court terme car cela désherbe, aère… Mais sur le long terme, il perturbe la vie du sol. Le nombre d’espèces de champignons diminue, les sols agricoles perdent de la matière organique. »
Le labour, rentable
à court terme, perturbe
le sol à long terme
Or, s’il y a un consensus, c’est celui de mieux faire respirer les sols. Après la pluie, un sol labouré et trop tassé, empêche, par exemple, l’eau de pénétrer la terre, d’où des flaques persistantes. La perméabilité des sols est pourtant le facteur numéro 1 pour un sol vivant dans lequel pourront se développer les champignons, les bactéries, les amibes et, par conséquent, une meilleure qualité des produits. Les raisins les plus acides, de meilleure qualité, sont ainsi associés aux sols ayant une bonne perméabilité, et la capacité à stocker de l’eau sous terre qui va avec.
Les génies de l’enfouissement
Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, se veut (quelque peu) rassurant : « Les sols agricoles ne sont pas morts mais moribonds. » Il préconise, en premier lieu, de dire stop au labour et de passer au couvert végétal pour préserver le sol. Le maraîchage sur sol vivant (MSV) est une technique sans labour, qui s’appuie sur la matière vivante contenue dans les sols et qui limite les intrants, deuxième impératif pour y remettre de la vie. « Les pesticides comme le glyphosate tuent les œufs de vers de terre », alerte Marc-André Selosse. Or, les vers de terre, génies de l’enfouissement, les meilleurs des perforateurs, sont indispensables à cette perméabilité. La richesse lombricienne est d’ailleurs un indicateur suivi par la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), qui a déterminé que le nombre de taxons (groupes) de vers de terre dans les prairies est trois fois plus élevé que dans les vignes et vergers, et deux fois plus élevé que dans les cultures labourées. Pour optimiser la présence des vers, les bouses de vaches sont idéales. Une notion de polyculture-élevage qui a de multiples avantages bien connus. Et, puisque la vie des sols nourrit les plantes, avant de sortir une production, régénérer les sols en apportant du carbone permet de mettre en place la chaîne trophique. Feuillage, écorce d’arbres, fumier… les fruits de la photosynthèse se décomposent et sont enfouis, ici encore grâce aux vers de terre, définitivement les premiers alliés.
Le Printemps des terres, le promoteur de la biodiversité
« Quelle décision d’investissement peut-on prendre pour la biodiversité ? », questionne Sylvain Goupille, directeur général du Printemps des terres, une société à mission créée il y a trois ans : « Nous achetons les terres, que nous mettons ensuite à la disposition des agriculteurs en leur louant, dans une démarche de restauration de produits à haute valeur ajoutée, comme du bio avec des co-bénéfices de biodiversité. » BNP Paribas vient par ailleurs d’investir dans ce projet de restauration durable et à grande échelle de terres agricoles appauvries ou en friche, de zones humides dégradées et de forêts en mauvais état.