Édito de Thomas Bonnel
Faut-il manger des fraises en hiver ? La question est simple et la réponse – négative – semble s’imposer largement dans le débat ces dernières années. Il est vrai qu’un large public a désormais pris la mesure des impacts environnementaux, économiques et sociaux, sans parler du bilan carbone, d’une consommation déconnectée des saisons, reposant sur des importations massives.
Mais entre le « dire » et le « faire », l’écart persiste. Et même si les rayons bio ont connu un essor florissant depuis environ dix ans (avec une part de marché de près de 7 %), ce sont eux qui pâtissent le plus de la crise économique récente, notamment dans les grandes surfaces (-3,9 % en 2021 selon l’Agence Bio). CQFD : lorsque le pouvoir d’achat souffre, les bonnes résolutions s’effacent. Le président d’un des géants de la distribution nous confiait déjà il y a quelques années : « On me reproche de vendre des tomates à 0,99 € le kilo, importées du bout du monde. J’offre aussi des tomates locales qui coûtent le triple. Je ne peux forcer les consommateurs, mon rôle est de leur donner du choix dans mes rayons, mais ils décident. » Entre l’offre et la demande, c’est un peu la poule et l’œuf : il ne fait aucun doute que la prise de conscience des « consomm’acteurs » a joué un rôle déterminant dans l’évolution de nos modes de consommation, et par conséquent de l’offre. Développement de la vente en vrac, sensibilité accrue à l’origine des produits, à leur composition (le succès d’une application telle que Yuka est éloquent), nutriscore, éducation à l’antigaspillage, etc. : les marqueurs de cette tendance sont légion. Pourtant, chaque Français continue de gaspiller en moyenne 150 kg d’aliments par an : les (mauvaises) habitudes ont la vie dure.
Facteurs aggravants dans ce contexte, le réchauffement climatique, avec ses répercussions sur la ressource en eau et la baisse des rendements agricoles, qui impose de développer de nouvelles productions plus sobres et résistantes ; la crise énergétique, qui suppose d’innover pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables (ENR) au cœur des territoires ; la menace que représente la disparition galopante des espèces (et pas seulement les pollinisateurs), qui exige de réduire drastiquement les produits phytosanitaires et de proscrire l’artificialisation des sols.
Comment concilier souveraineté alimentaire, indépendance énergétique, développement économique des territoires, protection de la biodiversité ? Telle est l’équation. Vous avez dit « quadrature du cercle » ?