Concilier souveraineté alimentaire et sauvegarde du territoire naturel
De la conversion des terres, en passant par la formation au goût dans les cantines scolaires et la continuité écologique : des outils et une vision systémique pour les territoires.
Issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, les projets alimentaires territoriaux (PAT) visent une relocalisation des ressources agricoles et de leurs débouchés alimentaires. Menés dans le cadre de démarches de terrain, collectives, d’organismes publics ou privés à but non lucratif, les dossiers sont instruits par les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF/DAAF). Ce soutien à l’ancrage territorial de l’alimentation (aide à l’installation d’agriculteurs, circuits courts, produits locaux dans les cantines…) répond à des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et de santé publique. Ce rôle moteur des PAT dans le développement des territoires a été confirmé par les États généraux de l’alimentation en 2017. Au 1er avril 2022, plus de 370 PAT sont reconnus par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et le plan France Relance vient amplifier cette dynamique avec 80 millions d’euros alloués aux projets.
Paix social et démarches locales
« Les PAT essayent souvent de répondre à des « attentes consommateurs » sans avoir une réflexion sur la résilience du territoire au niveau de sa production alimentaire, un sujet majeur de la paix social. Mettre du bio dans les cantines ne suffira pas, souligne Anne Trombini de l’association Pour une agriculture du vivant. Mais il y a des territoires qui font beaucoup, comme le Grand-Est, les Hauts-de-France, l’Occitanie ou encore La Rochelle, où
il y a une vraie dynamique de coopération autour des haies bocagères ou des circuits courts, mais également à Rennes. » Ou encore à Albi, dans le Tarn. Forte du constat qu’une ville dispose de moins d’une semaine de réserves de nourriture devant elle, Albi est la première ville française à avoir lancé un programme d’autonomie alimentaire en 2017. Elle s’est engagée dans cette réflexion globale pour réorienter les ressources agricoles marchandes vers la demande locale. Une démarche amplifiée fin 2019 par des citoyens qui ont investi dans une société foncière coopérative (Terres citoyennes albigeoises) et racheté une vingtaine d’hectares de très bonne qualité situés dans la plaine de Lescure-d’Albigeois. Leur volonté : convertir la monoculture céréalière en bio et favoriser l’installation pérenne de paysans et du maraîchage. Au-delà de ce PAT ambitieux, l’agglomération encourage les projets de plantation entrepris en renforcement de la Trame verte et bleue.
Des projets de plantation
en renforcement de la Trame
verte et bleue
Engagement du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, la Trame verte et bleue (cf. carte ci-contre) constitue un outil de préservation de la biodiversité visant à intégrer les enjeux de maintien et de renforcement de la fonctionnalité des milieux naturels dans les outils de planification et les projets d’aménagement. Elle vise à freiner l’érosion de la biodiversité, en particulier par la remise en bon état des continuités écologiques, notamment les plantations, afin que les espèces animales et végétales puissent se déplacer. Comme le relève le classement des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, en 2021), la dégradation de l’habitat est la première menace pour les plantes.
Des haies, des agriculteurs et des scolaires
Dans le département très rural du Loir-et-Cher, les collectivités sont également engagées dans une meilleure prise en compte des questions de biodiversité et d’autonomie alimentaire. Le Pays des Châteaux, syndicat mixte structuré autour de l’aire urbaine de Blois, regroupe ainsi 90 communes et 150 000 habitants, soit 44 % de la population du département. Territoire caractérisé par une large diversité de productions agricoles, avec cinq terroirs, et un paysage transformé par le remembrement qui a remplacé les petites parcelles agricoles par de grandes cultures céréalières, sa Trame verte et bleue a été définie dès 2010. Dans le cadre du PAT, depuis 2020, des appels à projets visent à soutenir les plantations de haies par des agriculteurs, en y associant les établissements scolaires . Un accompagnement permet de s’engager dans une transition agroécologique comme aux Prés d’Amont, un espace test, avec des conseils techniques ou comptables et du matériel agricole à disposition. Le PAT porté par le Pays des Châteaux réalise une analyse des démarches de transition agroécologique et fait de la sensibilisation une priorité avec des formations sur le gaspillage, la diversification et les plats végétariens. Une plateforme, Manger bio Centre-Val de Loire, créée en avril 2022, facilite l’approvisionnement des restaurants collectifs en bio, alors que le département du Loir-et-Cher en compte moins de 5 % de ses cultures, deux fois moins que le moyenne française (source Agence Bio). En 2020, la France comptait 2,5 millions d’hectares cultivés en bio : soit une hausse de 50 % en cinq ans, l’objectif étant de 18 % des terres cultivées en bio en 2025.
Mais pour que le bio fonctionne, tout en réduisant le labourage, il faut créer cet écosystème de soutien et ces coalitions à l’échelle des territoires pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique. À l’instar du soutien pour adapter les outils agricoles de la coopérative L’Atelier paysan, qui a notamment accompagné un citadin reconverti en producteur de moutarde bio en 2018, à Larré (Morbihan). Installé sur un terrain de quatre hectares, il lui a fallu adapter l’outil de tri des grains de moutarde, avant de susciter l’intérêt de tous avec la pénurie mondiale de moutarde.