Mesurer ou estimer ? Évaluer les émissions de gaz à effet de serre est une tâche complexe
Pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les pays doivent connaître leurs propres émissions. Ils disposent de deux méthodes complémentaires pour cela : l’inventaire et l’empreinte carbone.
En 2021, la France a émis plus de 418 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES). Une quantité colossale et abstraite, calculée chaque année par le Citepa, l’organisme chargé d’inventorier les émissions de la France. Cet inventaire est une obligation pour les États membres de l’OCDE signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ce qui est le cas de la France. Il sert à vérifier que les États respectent leurs engagements. Les pays qui ne sont pas membres de l’OCDE et qui émettent 70 % des GES mondiaux, comme la Chine, sont aussi tenus de publier des communications sur leurs émissions, mais elles ne sont pas harmonisées et sont moins précises.
Pour les pays de l’OCDE,
l’inventaire des émissions
de GES est obligatoire.
Les inventaires nationaux comptabilisent les émissions d’origine anthropique sur le territoire d’un pays, celles qui découlent des activités humaines et dont l’augmentation contribue au réchauffement climatique. Mais ils ne prennent pas en compte les émissions naturelles. Comment sont-ils établis ? Les émissions ne sont pas mesurées directement par des instruments. Elles sont estimées à l’aide d’une formule mathématique relativement simple : la multiplication de données statistiques, telles que les quantités d’énergie consommée ou le nombre de ruminants, par un « facteur d’émission » qui dépend du GES examiné (CO2, méthane, etc.). Ce facteur d’émission transforme ainsi les données statistiques en quantité de GES.
L’empreinte carbone, plus complète que l’inventaire national
Le Giec donne des lignes directrices, révisées régulièrement, pour collecter les données et calculer le « pouvoir de réchauffement global » (PRG) de chaque gaz. Le PRG convertit toutes les émissions directes en « tonnes équivalent CO2 » pour comparer l’impact relatif des GES sur le changement climatique. Tous les grands secteurs d’activité sont pris en compte : l’énergie, les procédés industriels (production de ciment, de verre, de métal, chimie, électronique…), l’agriculture et la foresterie, le traitement des déchets. Quant aux GES à mesurer, ils sont au nombre de onze. Sept sont reconnus par le protocole de Kyoto : le CO2, le méthane, le protoxyde d’azote et quatre gaz fluorés. Les quatre autres sont inclus dans les inventaires nationaux : le monoxyde de carbone, l’oxydes d’azote, le soufre et les composés organiques volatils non méthaniques.
Inconvénient de l’inventaire national : il ne donne pas une vision d’ensemble de la pression exercée par un pays sur le climat. En effet, il ne tient pas compte des « émissions importées », induites par les importations de biens et services. Celles-ci sont prises en compte par l’empreinte carbone, calculée en ajoutant aux émissions territoriales les émissions associées aux importations et en soustrayant celles qui sont associées aux exportations. Elle comptabilise ainsi l’ensemble des émissions liées à la demande intérieure d’un pays (consommation des ménages, des entreprises et des administrations). En France, elle est calculée par le service statistique du ministère de la Transition écologique. En 2019, la France avait émis 438 Mt CO2 eq selon l’inventaire national (6,6 tonnes par habitant), et 666 selon l’empreinte carbone (10 tonnes par habitant). Dans une dizaine d’années, les inventaires nationaux devraient être affinés grâce à des nouvelles technologies qui combineront les données d’observation de satellites dotés de puissantes capacités d’imagerie, avec des mesures détaillées prises au sol, comme celles du réseau de suivi européen Icos.