La transition énergétique est soumise aux secousses géopolitiques
Les technologies essentielles à la décarbonation de l’économie française sont gourmandes en matériaux stratégiques dont la production est concentrée dans un petit nombre de pays, ce qui la rend vulnérable aux aléas de toutes sortes.
Un smartphone en contient 5 g, mais une batterie de voiture électrique, 5 kg, et une éolienne… 600 kg. Les terres rares sont des ingrédients essentiels à la transition énergétique, à la production d’énergie renouvelable et in fine à la décarbonation de l’industrie. En réalité, elles n’ont de rares que le nom. Heureusement, car l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe une demande multipliée par six à l’échelle mondiale. Or l’Union européenne dépend aujourd’hui à 100 % de la production chinoise. À l’échelle française, dans ses scénarios de neutralité carbone à l’horizon 2050, RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, anticipe également d’importantes consommations de cuivre, d’aluminium, d’acier, de béton… indispensables aussi bien aux fermes solaires et éoliennes, aux moyens de stockage de l’électricité, à la fabrication d’électrolyseurs pour produire de l’hydrogène décarboné qu’aux équipements numériques toujours plus centraux dans la transition…
Seulement 0,4 % du lithium
est aujourd’hui recyclé.
Des intrants a priori ni rares ni stratégiques, mais dont la production est aujourd’hui concentrée en Chine (57 % des volumes mondiaux d’aluminium) et en Russie. L’économie mondiale a connu ces derniers mois une pénurie de certains types d’acier et les prix de l’aluminium ont bondi de 30 % au premier trimestre 2022. Et cela ne va pas en rester là. On anticipe en effet que la transition énergétique multiplie par deux les besoins en cuivre (produit à 28 % par le Chili), et par quatre ceux en lithium (également produit à 33 % par le Chili). Parmi les métaux critiques indispensables à la transition, 72 % du cobalt provient du Congo et 32 % du nickel, d’Indonésie.
Développer des filières de recyclage et tracer l’origine des matériaux
Globalement, 30 % des importations européennes d’aluminium, nickel ou cuivre dépendent de la Russie. Le Vieux Continent réagit en bâtissant de nouvelles chaînes de valeur. Par exemple des gigafactories de batteries électriques construites dans le cadre de « projets importants d’intérêt européen » (PIIEC), un dispositif qui pourrait être étendu aux métaux stratégiques. Autre piste qui fait son chemin, notamment en France : envisager de rouvrir des mines. Sans doute plus simple à mettre en œuvre, cette solution réside dans un effort accru d’éco-conception et la structuration de filières de réparabilité et de recyclage. Sachant que seulement 0,4 % du lithium (essentiel aux batteries de smartphone comme à celles de voitures électriques), 28 % du cuivre ou 32 % du cobalt sont recyclés, la marge de progression n’est pas négligeable. Dans son nouveau scénario négaMat dédié aux matériaux et matières premières qui complète désormais son scénario énergétique, l’institut négaWatt mise à l’horizon 2050 sur une forte augmentation des taux de recyclage des métaux (95 %), des plastiques (85 %) et du verre (85 %) pour alléger la pression sur les ressources primaires. Pour y parvenir, le think tank préconise de se fixer des objectifs et d’investir dans des filières de collecte et des centres de tri performants, compétitifs et innovants, financés par une éco-contribution intégrée au prix des produits neufs.