Les nouveaux marchés de la séquestration du CO2
Que faire du CO2 émis par les industries ? Depuis quelques années, les projets se multiplient pour le stocker sous terre ou lui trouver d’autres usages en le recyclant ou en reforestant. Suffiront-ils à endiguer la menace climatique ?
Avec l’urgente obligation de réduire les émissions de gaz à effet de serre, un nouveau marché est apparu, celui de la capture et du stockage de CO2 (CCS). D’après une étude du cabinet norvégien Rystad Energy, sortie en avril dernier, le marché mondial des équipements industriels de CCS dans le monde va quadrupler d’ici 2025, pour atteindre en cumulé plus de 50 milliards de dollars. De quoi nourrir un véritable filon industriel : 56 projets commerciaux de CCS sont déjà actifs et 84 en cours de développement, la plupart en Europe ou en Amérique du Nord, portant à quelque 150 millions de tonnes par an la capacité de stockage industriel du CO2 en 2025.
Le potentiel de stockage
de la France reste limité.
La France ne compte aucune installation de CCS en activité pour l’instant, mais la Stratégie nationale bas-carbone prévoit d’éviter les émissions de 5 millions de tonnes de CO2 industriel par an grâce à cette technologie. Les gros émetteurs planchent sur ces solutions, comme ArcelorMittal, qui annonçait début janvier le lancement d’un démonstrateur sur son site de Dunkerque : le CO2 est récupéré dans les gaz des hauts-fourneaux à l’aide d’un solvant développé par l’IFPEN, puis acheminé vers un lieu de stockage définitif. Objectif : 4 400 tonnes par an. Mais le potentiel de stockage de la France est très limité : dans un avis de 2020, l’Ademe l’estimait à 24 millions de tonnes par an sur 41 sites, à rapporter aux 440 Mt CO2 eq émises chaque année sur le territoire.
Minéraliser le CO2 ou le recycler en hydrocarbures
Séquestrer du CO2 peut se faire sous d’autres formes, ce qui ouvre le marché à des start-up. Carbon8 propose ainsi de « minéraliser » le CO2 en transformant des résidus industriels tels que des poussières et des cendres riches en carbone en granulats utilisables dans la construction. L’idée intéresse EDF et le cimentier Vicat. Dioxycle, une jeune pousse bordelaise, recycle le CO2 par électrocatalyse en molécules d’hydrocarbures économiquement valorisables en méthane ou monoxyde de carbone. Son prototype a été sélectionné par le Breakthrough Energy, un réseau d’investisseurs fondé par Bill Gates, pour intégrer un groupe de neuf entreprises engagées dans des technologies de rupture. Enfin, le reboisement est une autre façon de stocker le CO2. Climat local, une société coopérative d’intérêt collectif d’Occitanie, fait financer par des entreprises des projets d’agroforesterie dans les territoires, comme la plantation de haies champêtres. Pur Projet travaille sur l’« insetting », qui consiste à impliquer les grands groupes dans la préservation des écosystèmes de leurs propres filières : Nespresso dans les plantations de café, L’Oréal auprès des collectrices d’amandes de karité en Afrique sub-saharienne.
Faut-il vraiment compter sur les technologies de CCS pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C ? Dans son rapport du 4 avril dernier, le Giec estime que nous ne pourrons pas faire sans elles et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a calculé qu’elles pourraient contribuer à réduire de 15 % les émissions globales à l’horizon 2060. Mais les organisations environnementales doutent que ces solutions soient prêtes à temps et à l’échelle désirée.