L’électricité bas carbone sera-t-elle au rendez-vous en quantité suffisante ?
La France mise sur son mix électrique très décarboné pour verdir son industrie mais la défaillance du nucléaire et le retard des renouvelables compliquent l’équation, tandis que la flambée des prix de l’énergie fragilise les entreprises.
Décarboner l’alimentation énergétique des usines ou des flottes de véhicules, stocker les surplus d’électricité renouvelable, améliorer l’efficacité des processus (le rendement d’un moteur électrique est supérieur à celui d’un moteur thermique) voire en modifier certains, comme dans la sidérurgie… Toutes ces pistes pour abaisser l’empreinte carbone de l’industrie nécessitent de l’électricité et de l’hydrogène décarbonés.
C’est justement sur son mix électrique décarboné à 97 % que la France fonde l’ambition de regagner des parts de marché en développant une production industrielle « verte », protégée d’une concurrence déloyale à bas coût venue de régions moins regardantes. C’est l’objectif de la taxe carbone aux frontières de l’Europe même si le mécanisme d’ajustement aux frontières (MACF) prévu, applicable à certains intrants seulement (acier, ciment, aluminium) mais pas aux produits finis ou semi-finis, ne rassure pas totalement les industriels.
Une loi d’accélération
des énergies renouvelables
est examinée au Parlement.
Plus grave, des inquiétudes commencent à poindre quant à notre capacité à produire les volumes d’électricité bas carbone nécessaires à la transition énergétique. La fabrication d’hydrogène par électrolyse de l’eau, notamment, en exige de grandes quantités. Dans son scénario « Industrialisation profonde », RTE prévoit que la consommation d’électricité passe de 400 terrawattheures (TWh) aujourd’hui à 755 TWh en 2050.
Sans présager de l’entrée en service effective de nouveaux réacteurs EPR2 à l’horizon 2035 ou 2040, on ne peut pas dire que cette trajectoire soit aujourd’hui parfaitement engagée. Cet automne, la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt pour cause de maintenance mais aussi de problèmes de corrosion. Aussi la prudence s’impose quant à la capacité d’EDF de redémarrer l’intégralité du parc au cours de l’hiver.
Le prix de l’électricité indexé sur celui du gaz… qui flambe
Le tableau n’est guère plus rose côté renouvelables. L’hydroélectricité – la moitié de l’électricité verte française – provient de centrales vieilles de plusieurs décennies et soumises aux aléas climatiques. Malgré une accélération dans l’éolien offshore depuis quelques mois et une production solaire record l’été dernier, la France ne respecte ni ses engagements européens (19 % de son mix électrique au lieu des 23 % prévus en 2020) ni les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Pour y remédier, le gouvernement a concocté un projet de loi d’accélération des énergies renouvelables qui est en cours d’examen au Parlement.
Cerise sur le gâteau, le marché européen de l’énergie est organisé de telle sorte que le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz, qui atteint des sommets en raison de la guerre en Ukraine. Un « market design » largement remis en cause mais qui pourrait être long à modifier hors mesures d’urgence, alors que l’industrie a besoin d’électricité non seulement décarbonée, mais aussi bon marché : 300 entreprises du secteurs ont alerté le gouvernement sur leurs difficultés face à la flambée des prix. Dans l’immédiat, ce dernier va simplifier et prolonger le dispositif d’aide aux entreprises très consommatrices d’électricité… mais aussi de gaz.