La décarbonation au cœur des politiques industrielles
Les plans de relance font toujours plus de place à la transition écologique et notamment à la décarbonation de l’industrie, qui doit devenir un levier de compétitivité. Mais les prix actuels de l’électricité contrarient ces objectifs.
Le gouvernement ne pouvait souhaiter meilleur cadre que le site d’ArcelorMittal à Dunkerque pour présenter, en février 2022, le second volet de son plan de relance post Covid, France 2030. La sidérurgie est l’un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, ce qui confère un poids particulier au partenariat annoncé ce jour-là entre l’État et l’industriel. La mise en œuvre d’un nouveau process à base d’hydrogène décarboné, permettant de se passer du coke, doit permettre d’ici 2027 d’abaisser de près de 40 % les émissions de CO2 de l’entreprise en France. 7,8 millions de tonnes annuelles évitées, qui correspondent à 10 % des émissions industrielles du pays.
La moitié
de France 2030
est dédiée
à la transition
écologique.
La transition écologique était déjà un axe fort du premier volet du plan de relance lancé à l’automne 2020. Sur un budget de 100 milliards d’euros, 30 étaient consacrés à « faire de la France la première grande économie décarbonée européenne ». Dont près de 9 milliards plus précisément alloués à la décarbonation de l’industrie et de l’énergie.
Ce volet est plus central encore dans France 2030, qui consacre la moitié de son enveloppe de 54 milliards à la transition écologique, dont plus de cinq milliards dédiés à la décarbonation industrielle : développer les technologies les plus innovantes, les déployer dans les secteurs les plus émetteurs et mettre les technologies matures au service de toute l’économie. Quatre milliards doivent soutenir la décarbonation profonde de sites industriels très émetteurs dans la sidérurgie, la chimie lourde, le ciment ou l’aluminium, et un milliard le déploiement de solutions plus matures, chaleur bas carbone ou efficacité énergétique.
La réindustrialisation décarbonée contrariée par les prix de l’électricité
Pour faire de la décarbonation un levier de compétitivité et de performance industrielle et un axe central de l’action climatique française, plusieurs objectifs sont poursuivis de front : réduire les émissions et l’empreinte climatique françaises tout en développant l’emploi et le poids de l’industrie.
Cependant, ces objectifs ambitieux se trouvent quelque peu contrariés par la conjoncture actuelle. Ils reposent en effet sur de grandes quantités d’électricité décarbonée et peu chère, un trésor que la guerre en Ukraine et la situation du parc nucléaire français – dont la moitié est à l’arrêt pour cause de maintenance mais aussi de problèmes de corrosion – rendent largement indisponible. Au-delà de la conjoncture, « on peut légitimement se demander quelle sera la proportion des usines contraintes d’interrompre leur production en raison des prix de l’énergie qui ne redémarreront pas », s’interroge ainsi Olivier Lluansi, coauteur de Vers la renaissance industrielle : « Face à cette situation, certains groupes internationaux pourraient décider de délocaliser durablement leurs sites de production. » En outre, pour pallier des pénuries ou des hausses de coût, certaines industries comme l’automobile – dont la production a baissé de 30 % en raison de la pénurie de puces électroniques – ont choisi de concentrer leur production sur des modèles haut de gamme, laissant la porte ouverte aux importations pour les modèles plus standard. « Le même phénomène pourrait s’étendre à de nombreux secteurs, et entraîner une désindustrialisation à la française », met-il en garde.