Décarboner l’économie française coûtera plus cher que prévu
Plusieurs instituts anticipent que des investissements supplémentaires seront nécessaires d’ici à 2030 pour que la France atteigne la neutralité carbone en 2050.
Selon l’Institut de l’économie pour le climat I4CE, qui publie chaque année un « Panorama des financements climat », ces derniers s’élevaient en 2020 à 45 milliards d’euros. Malgré une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente, cela reste insuffisant pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie. En effet, pour l’industrie par exemple, le think tank rappelle que la SNBC exige une baisse des émissions d’environ 4,4 % par an alors qu’elle n’a été que de 1,8 % par an entre 2013 à 2019. Il se pourrait en plus que cet effort doive être aligné avec les nouvelles ambitions européennes, qui portent l’objectif de -40 % à -55 % de GES d’ici 2030 dans le cadre du paquet « Fit for 55 ».
Entre 240 millions
et 8 milliards à investir
pour les cimentiers.
De son côté, dans son rapport « Enjeux économiques de la décarbonation en France : une évaluation des investissements nécessaires » publié en mai 2022, l’institut d’études économiques Rexecode a calculé les émissions françaises en 2030 selon deux méthodes : l’une sectorielle, l’autre globale fondée sur les perspectives de croissance, d’intensité énergétique du PIB et d’intensité carbone du mix énergétique. Les deux calculs aboutissent à un volume d’émissions supérieur de 39 à 55 millions de tonnes au point de passage de la SNBC en 2030. Pour combler ce gap, de 58 à 80 milliards d’euros supplémentaires seraient nécessaires d’ici 2030 par rapport aux scénarios tendanciels actuels, soit de 2,1 % à 2,9 % du PIB annuel.
Incertitudes quant aux technologies et aux volumes
Au vu de l’état des finances publiques, Rexecode estime que ces investissements supplémentaires devront provenir essentiellement des ménages et des entreprises. Pour inventer des processus de production plus propres, renouveler leurs flottes de véhicules, adapter leurs bâtiments, etc., ces dernières devront investir 43 milliards de plus que ce que prévoient les scénarios macroéconomiques courants à horizon 2030. L’institut préconise de recourir à des instruments de compensation pour préserver la compétitivité des secteurs industriels les plus touchés. Et d’intégrer les politiques climatiques et macroéconomiques dans une planification écologique visant à fournir une visibilité suffisante à long terme pour les acteurs économiques – notamment sur le prix du carbone. Car, au-delà de l’aspect financier, les investissements sont freinés par l’absence de perspectives claires en matière de technologies à privilégier et de volumes à produire, soulignent dans un avis d’expert Erwann Kerrand et Hadrien Hainaut d’I4CE. À titre d’exemple, les deux spécialistes citent le secteur du ciment, pour lequel, dans son scénario « techno push », l’Ademe table sur une baisse modérée de la demande et un fort recours à la capture et la séquestration de carbone (CCS), qui nécessitent un investissement de 8 milliards d’euros. Dans le scénario « sobriété low tech », en revanche, la baisse de la production est plus forte et l’investissement nécessaire, de 240 millions seulement. Enfin, pour que leurs fruits puissent être récoltés sur le territoire national tout en contribuant à réduire les émissions mondiales, Rexecode préconise que les efforts français se focalisent en priorité sur des innovations énergétiques et industrielles susceptibles d’être exportées.