De multiples pistes pour décarboner l’industrie lourde se développent
À différents degrés de maturité, de nombreuses solutions existent pour réduire les émissions de l’industrie lourde, responsable de près de 65 des 438 millions de tonnes de gaz à effet de serre émises en France chaque année.
1 – Verdir l’énergie
L’industrie française carbure encore à 52 % aux énergies fossiles, notamment au gaz (40 %). Dans un pays où l’électron est décarboné à 97 % grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, l’électrification est plébiscitée par les pouvoirs publics et les experts. Mais elle demande une adaptation de l’outil industriel potentiellement longue et coûteuse, voire impossible pour certaines applications. Outre le remplacement du gaz naturel par du biogaz (encore peu disponible), le recours à des combustibles de substitution se développe. Il s’agit aujourd’hui essentiellement de combustibles solides de récupération (CSR) et d’autres déchets tels que des huiles, pneus, résidus de solvants et peintures. L’objectif est d’accroître la proportion de combustibles alternatifs contenant de la biomasse. Mais la diversification des combustibles de substitution peut également exiger de transformer les usines.
2 – Remplacer l’hydrogène gris par de l’hydrogène bas carbone
Dans les raffineries où l’hydrotraitement est utilisé pour désulfurer les carburants, dans la pétrochimie, grande consommatrice d’ammoniac (NH3), dans l’industrie des engrais ou des explosifs miniers, de nombreux industriels utilisent de l’hydrogène. Mais il est encore à 90 % produit à partir d’énergie fossile. Ces industriels cherchent donc à se verdir en lui substituant de l’hydrogène issu d’électrolyse de l’eau et utilisant une électricité décarbonée, d’origine nucléaire ou renouvelable. La généralisation de cette solution reste cependant freinée par la faible disponibilité d’hydrogène bas carbone, qui nécessite d’importants volumes d’électricité décarbonée mais aussi d’électrolyseurs pour le fabriquer.
3 – Récupérer la chaleur fatale
Fumées de combustion, eaux de refroidissement, vapeurs, buées, air de conditionnement… 36 % de l’énergie consommée par l’industrie est gaspillée sous forme de chaleur « perdue » par un processus industriel qui dégage une énergie thermique. Cela concerne en particulier la chimie, l’industrie des métaux et des matériaux non métalliques (plastique, ciment et verre) et l’agroalimentaire. Mais aussi toutes les entreprises industrielles qui possèdent des installations nécessitant d’être refroidies – sidérurgie, papeterie, chambres frigorifiques de l’agroalimentaire… – puisque produire du froid rejette de la chaleur. Or cette chaleur peut être récupérée à partir d’une vingtaine de degrés et jusqu’à 150 degrés via un échangeur thermique ou une pompe à chaleur. Utilisée en remplacement d’une source d’énergie primaire ou réinjectée dans un autre processus, notamment sous forme de vapeur, elle peut être utilisée au sein de l’installation industrielle ou revendue à un industriel ou à un réseau de chaleur urbain situés à proximité.
4 – Supprimer le coke dans la sidérurgie
Dans la sidérurgie, la réduction directe du minerai de fer par hydrogène ou DRI (direct reduction iron) évite le recours au coke issu de la houille, premier responsable des émissions du secteur (7 % des émissions mondiales). Cette solution ne vaut que si l’hydrogène utilisé est décarboné. Après le projet suédois Hybrit (voir page 34) qui vend ses lingots d’acier vert au constructeur Volvo, ArcelorMittal va expérimenter cette technologie innovante dans ses hauts-fourneaux de Dunkerque dans le cadre de France 2030.
5 – Faire la chasse au clinker du ciment
La fabrication du ciment pèse 7 % des émissions mondiales, dont une moitié provient de la combustion d’énergie fossile nécessaire pour transformer le calcaire en clinker*, et l’autre de la réaction chimique associée à cet ingrédient, à raison de 800 kilogrammes de CO2 par tonne de ciment produite. D’où les solutions consistant à remplacer le clinker par le laitier de haut-fourneau, une poudre obtenue en récupérant les scories de la production de fonte. Cette pratique, adoptée de longue date par les cimentiers, est limitée par l’activité sidérurgique. D’autres pistes misent sur l’argile calciné et les gypses. Aiguillonnés par la réglementation, les acteurs du BTP se démènent pour inventer un béton le plus « vert » possible. Outre le remplacement du clinker, cela passe souvent par le recours à des matériaux biosourcés.
6 – S’inspirer de la nature
Les matériaux biosourcés, d’origine organique végétale ou animale, se développent dans la construction, l’isolation, le revêtement des sols, murs ou façades. Leur production, moins énergivore que celle de matériaux traditionnels, et leur capacité à stocker du CO2 en font de parfaits vecteurs de décarbonation du BTP. La chimie verte, fondée sur le recours à des matières naturelles (biomasse, sucre, amidon…), vise à décarboner les secteurs des engrais, des cosmétiques, des emballages et même de la viande, en planchant sur des formules de viande cellulaire…
* Composant essentiel du ciment résultant de la cuisson à très haute température d’un mélange de 80 % de calcaire
et 20 % d’aluminosilicates.