La longue route vers une société apprenante
La formation tout au long de la vie revient de manière récurrente dans le débat public. Si l’idée fait consensus, elle peine à trouver écho dans les outils et les usages.
On parlait hier d’éducation permanente, aujourd’hui de société apprenante. Mais l’idée est la même : former tout au long de la vie. Cet idéal s’est imposé dans les débats au sein de l’Union européenne et de ses États membres comme un principe incontournable des politiques publiques de développement économique, d’emploi, d’intégration professionnelle et sociale. L’Unesco, dans un rapport de 2020 sur la culture de l’apprentissage, rappelle également la vertu de la formation tout au long de la vie : « L’apprentissage tout au long de la vie favorise la capacité des individus à gérer le changement et à construire l’avenir de leur choix. Apprendre à apprendre et à gérer son itinéraire de formation personnel doit devenir une compétence de base. »
Demain, pour chacun d’entre nous, il y aura de plus en plus de passages obligés par la case formation. La reconnexion aux apprentissages, le désir d’émancipation intellectuelle, la volonté d’intégrer des savoir-faire pour ne pas subir les transformations sociétales vont redessiner les contours organisationnels et fonctionnels des lieux d’enseignement, appelés à se transformer en plateformes de transit et en lieux de ressourcement.
Principe constitutionnel, utopie sociale
Mais acter une société apprenante ne s’improvise pas. Force est de constater que se former à tout âge, à tout moment et dans toute situation demeure difficile, sinon impossible.
Université et écoles
devront se transformer
en plateformes de transit
et en lieux de ressourcement
Alors, comment dépasser le stade de l’utopie et transformer la formation continue en une pratique tangible ? On a longtemps invoqué la tradition républicaine, via notamment le préambule de la Constitution de 1946 : « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Le droit à l’emploi, également affirmé dans le préambule, constituant le second enracinement constitutionnel du droit à la formation tout au long de la vie. Des initiatives législatives se sont attachées à faire prévaloir ce double droit constitutionnel. Sans pour autant réussir à amorcer une réorganisation de l’ensemble des institutions publiques et privées au service d’un continuum des apprentissages. La formation tout au long de la vie repose sur une condition expresse : la constitution et la reconnaissance d’une pluralité de voies et de formats d’enseignement et d’éducation accessibles facilement et à tous les âges.
Systèmes d’abonnement à vie
L’accès aux formations pourra prendre des formes très diverses : tickets d’entrée conditionnant des droits à des catégories diversifiées de programmes, forfaits calculés sur des périodes définies, systèmes d’abonnement à vie… Quelles que soient les options retenues, il faut d’ores et déjà y réfléchir. Si les institutions d’enseignement ne mettent pas ces questions sur la table, d’autres le feront pour elles. Le risque de voir les cabinets de conseil et les plateformes de diffusion de la connaissance en open source tenter de se substituer aux universités et aux écoles n’est pas nul. Or celles-ci disposent des atouts que les offres plus opportunistes n’auront jamais : un attachement à la mission d’intérêt général, un lien unique entre recherche, pédagogie et monde corporate, ainsi que de solides réseaux d’anciens.