« Les établissements qui n’auront pas atteint la taille critique disparaîtront »
Quel est aujourd’hui l’enjeu prioritaire d’une grande école comme l’ESCP ?
Il ne faut pas raisonner à une échelle nationale, mais bien internationale. Avec 35 % d’élèves français, 40 % issus d’autres pays d’Europe et 25 % de non-européens, l’ESCP est la plus internationale de toutes les écoles de management. Cette ouverture sur le monde va de pair avec une course à la taille. Demain, les écoles seront moins nombreuses, mais plus grandes. Elles n’ont pas le choix. Il ne fait pas de doute que les acteurs qui n’auront pas atteint la taille critique disparaîtront, et plus vite qu’on ne le pense. En 2014, l’ESCP comptait 3 500 élèves, ils sont 8 500 aujourd’hui et seront 10 000 en 2025. Grossir, c’est amortir les coûts fixes, se donner les moyens d’attirer davantage de professeurs, de produire plus de recherche et de figurer dans les meilleurs classements, sans dégrader la sélectivité puisque le vivier de recrutement devient de plus en plus mondial.
Grandes écoles et universités ont-elles deux approches différentes au regard des enjeux de professionnalisation ?
On pourrait dire que l’Université est davantage dans une posture de production de formations quand les grandes écoles se placent plutôt dans une logique de connaissance des marchés. Toutes les grandes écoles sont d’ailleurs en train d’élargir leur palette de cursus : bachelors, master grande école, mastères spécialisés, MSc, MBA, doctorats, formation continue.
Les grandes écoles
se placent dans une logique
de connaissance des marchés
Mais la partition du paysage de l’enseignement supérieur entre universités et grandes écoles doit elle aussi être considérée à l’aune d’un environnement international. Prenons le cas de l’ESCP : c’est une grande école en France, mais une université en Allemagne, une université privée en Italie et en Espagne, et bientôt au Royaume-Uni. Or, il s’agit bien de la même maison. La dualité université/écoles existe en France, mais elle existe surtout vue de France. À mon sens, le fossé est au moins aussi marqué entre les écoles de management – peu nombreuses, de plus en plus grandes en taille et majoritairement privées – et les quelque 150 écoles d’ingénieurs aux effectifs encore souvent restreints.
Comment les grandes écoles intègrent-elles les attentes des élèves face à un monde en bouleversement ?
Nous interroger sur nos modèles, c’est ce que nous faisons depuis le début, sinon nous ne serions plus là ! L’ESCP, fondée en 1819, est la plus ancienne business school du monde et la première en termes de longévité. Cette résilience aux transformations successives du monde – hier révolution industrielle, aujourd’hui révolution numérique, demain révolution écologique –, elle la doit autant à sa capacité d’adaptation qu’à son souci d’anticipation. Il s’agit d’entrer dans un monde en mutation, tout en conservant les ancrages qui ont fait notre force, comme notre identité européenne, gage de diversité, d’interculturalité, de défense des valeurs sociales, économiques et politiques. Nous investissons massivement dans la transformation numérique, la défense de l’environnement, la recherche et les student services.