Vers une autonomie plus franche des établissements
Si la gouvernance est souvent avancée comme la véritable clé de réforme du système, elle ne répond pas, à elle seule, aux enjeux de performance des établissements.
Voilà vingt ans qu’elle s’invite au centre des débats sur l’enseignement supérieur. La question de la gouvernance serait-elle la principale clé d’entrée d’une réforme du système ? Et quid du financement ? D’évidence, les deux sujets sont liés. De nombreux travaux montrent qu’une augmentation de la ressource financière, si elle est souhaitable, n’aurait d’effet réel sur la performance des établissements que doublée d’une plus grande autonomie pour ces derniers. Chacun s’accorde de fait sur un point : la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités de 2007, dite LRU, s’est arrêtée au milieu du gué. Selon les comparaisons effectuées, en 2017, par l’Association européenne des universités (EUA), portant sur 29 pays ou régions européennes, la France se situe au vingtième rang en termes d’autonomie organisationnelle, à la vingt-quatrième place en termes d’autonomie financière et au vingt-septième rang en matière d’autonomie des ressources humaines.
La faible marge de manœuvre des universités
Les universités sont dépendantes d’une subvention pour charge de service public qui représente autour de 80 % de leurs ressources. Cette contribution de l’État, presque entièrement fléchée vers la masse salariale, leur laisse une très faible marge de manœuvre pour subvenir à leurs besoins de fonctionnement ou d’investissement (dépenses de formation, immobilières ou informatiques).
Les universités françaises,
lanternes rouges de l’autonomie
Renforcer l’autonomie supposerait que l’on réforme le dispositif d’allocation des moyens, que l’on donne aux établissements des latitudes pour mener une véritable stratégie de recrutement et de management des ressources humaines. Si la loi de programmation de la recherche de 2020 a franchi un cap en introduisant un nouveau dispositif d’embauche locale par contrat, pour un plafond de 25 % des recrutements annuels, cette mesure est loin de répondre à l’ampleur des enjeux qui traversent le système dans une nouvelle économie du savoir et un monde globalisé.
Des cas de figure très divers côté grandes écoles
Sans pour autant remettre en cause l’importance des financements publics, ne faudrait-il pas introduire davantage de mixité dans le modèle économique des établissements, par exemple en stimulant le secteur privé et les réseaux des anciens élèves, sur le modèle des grandes écoles ? Attention pour autant à ne pas opposer mauvaise gouvernance des universités et bonne gouvernance des écoles. D’une part, nombre de ces dernières connaissent de vraies situations de crise. Ensuite, leur gestion repose sur des modèles divers. Si beaucoup sont sous statut privé, certaines dépendent directement de l’État et de ses financements, tout en acceptant des parties prenantes privées. C’est le cas de l’Insititut Mines-Télécom Business School. D’autres, comme HEC, ESCP Europe, Neoma, TBS, Audencia, ont choisi de devenir des EESC (Établissement d’enseignement supérieur consulaire), statut créé en 2014 par la loi Mandon afin de libérer les établissements consulaires de la stricte tutelle des chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour se doter d’un capital et y faire entrer des investisseurs. Une émancipation toutefois limitée, la CCI devant rester actionnaire majoritaire à hauteur d’au moins 51 % et aucun autre investisseur ne pouvant détenir plus de 33 % du capital. Au-delà des modalités de gouvernance et des choix de financement, la performance des établissements, quels qu’ils soient, repose peut-être avant tout sur un projet construit, revendiqué et politiquement porté par les équipes en place. À ce titre, universités et grandes écoles sont aussi des entreprises.