Nouveaux métiers, nouveaux apprentissages : quand l’enseignement se conjugue au futur
Beaucoup d’étudiants exerceront demain des métiers qui n’existent pas aujourd’hui. L’efficience du système d’enseignement tient, pour beaucoup, à sa capacité d’anticipation.
Accélération technologique dans les domaines du digital, de l’intelligence artificielle et des datas, effets économiques et sociétaux du bouleversement climatique, explosion du risque sanitaire… Toutes ces mutations ont et auront des répercussions importantes sur les savoir-faire professionnels, leur périmètre et leurs évolutions. Selon l’OCDE, une compétence technique n’a plus aujourd’hui qu’une durée de vie de deux ans, quand elle s’installait pour deux décennies dans les années 1970. Ce sujet de la transformation des métiers a donné lieu ces cinq dernières années à une floraison d’études. En 2017, le rapport The Next Era of Human-Machine Partnerships, cosigné Dell Technologies et Institute for the Future (IFTF), anticipe que 85 % des métiers exercés en 2030 n’existent pas encore. Un an plus tard, le World Economic Forum estime à 65 % le pourcentage des enfants d’aujourd’hui appelés à exercer des types d’emplois encore inédits. Au cœur de cette transfiguration des métiers : l’automatisation. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime qu’au cours des quinze ou vingt prochaines années, 46 % des emplois actuels seront transformés par le développement de la robotisation. De son côté, McKinsey avance que de 22 % des activités de la main-d’œuvre seront automatisées dans l’Union européenne en 2030. Soit. Reste que tous ces chiffres renvoient à des méthodologies et des périmètres d’études très divers. Dès lors, établir des diagnostics « raisonnables » semble un exercice périlleux. On peut d’ailleurs remarquer que, pour la plupart, les projections ne se risquent pas au-delà de 2030.
Transition énergétique, robotisation, BIM et data
Il n’empêche, les chamboulements à venir sur un marché du travail déjà agité obligent d’ores et déjà écoles et universités à s’organiser pour répondre aux besoins des entreprises et des organisations. On pense bien sûr aux nouveaux métiers de l’environnement. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la transition énergétique pourrait créer 900 000 emplois en France d’ici 2050. Rien que dans les Hauts-de-France, le nombre d’emplois liés aux énergies renouvelables « serait multiplié par quatre entre 2015 et 2030 », détaille l’agence. La e-santé fait son apparition dans les programmes, avec un diplôme universitaire (DU) sur la santé connectée à l’université Paris-Diderot, et des spécialisations en santé (bac+5) au sein des écoles d’ingénieurs : Isen (technologies médicales et de santé), Episen (ingénierie et technologies pour la santé), Polytech Lyon (génie biomédical), Isep, EPF, ECE. Les cours de blockchain et de cryptomonnaies se développent également dans les parcours fintech des écoles d’ingénieurs ou de commerce, qui proposent des mastères « Ingénierie de la blockchain » (ESGI) ou « Blockchain Projet Design » (ESCE).
Dans vingt ans,
près de la moitié des emplois
actuels transformés
par l’automatisation ?
Autre compétence en pleine valorisation sur les campus, la robotique, avec un master robotique mobile à l’ENSTA Bretagne et des mastères spécialisés (bac+6) « Expert en robotique collaborative pour l’industrie du futur », aux Arts et Métiers, et « Systèmes mécatroniques et robotique » au Cnam. Côté immobilier, le BIM fait boum. Cette technique de modélisation des informations autour d’une maquette numérique donne lieu à de nouveaux métiers (« BIM Managers »,« BIM Modelers », « BIM Coordinators ») et formations du bac+3 au bac+5. Dans les facs de droit, l’innovation se porte vers les métiers de protection des données. DU de « Délégué à la protection des données » ou « Data Protection Officer » à UTT, Paris Assas, Dauphine, Nanterre, Unicaen. Des mastères (bac+6) « Management de la sécurité des données numériques » (ILV), « Sécurité information et systèmes » (Esiea) ou encore « Protection des données à caractère personnel » (Isep) sont également proposés.
Un enjeu de performance
En même temps qu’il intègre la nécessité d’anticiper au mieux l’émergence de nouveaux savoir-faire et de nouvelles compétences, le système d’enseignement supérieur doit proposer des modes d’apprentissage en phase avec les usages d’une génération digital native. La numérisation des outils et des pratiques d’enseignement supérieur dépasse la stricte dimension d’efficacité organisationnelle. La capacité d’une nation à adapter ses organisations et ses méthodes de formation agit à une échelle macro, comme un levier de performance. Des pays comme le Canada, la Finlande ou la Suisse l’ont bien compris, qui font depuis longtemps de la recherche et du développement sur le système éducatif une priorité. À Singapour, les deux tiers des établissements scolaires font travailler leurs propres effectifs autour des apprentissages. Aujourd’hui, tous ces pays occupent de bonnes places dans les évaluations du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). L’enseignement de demain est également amené à évoluer dans ses modalités de lieux. La flexibilité des espaces d’apprentissage offre une plus grande accessibilité aux enseignements, notamment pour les étudiants en zone rurale, au sein d’antennes universitaires et de campus connectés. Du côté de l’enseignant, le numérique et la flexibilité impliquent également de nouvelles pratiques de scénarisation pédagogique, une nouvelle préparation du cours et une approche révisée de l’évaluation. De quoi inspirer des projets comme Include, initiative coordonnée par l’université Claude-Bernard Lyon 1, et retenue par l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) en octobre 2021. Include fonctionne comme un lieu de travail et de réflexion entre les edtechs, les équipes pédagogiques et les laboratoires de recherche sur toutes les problématiques liées à l’inclusion. Objectif : mettre en œuvre des méthodes de travail inclusives et adaptables aux besoins des étudiants, qu’ils soient spatiaux, temporels ou cognitifs pour, à terme, irriguer les cursus déjà existants et inciter la création de nouveaux programmes.