Les collectivités, financeurs et bénéficiaires de l’offre de formation
En injectant 1,4 milliard d’euros par an dans l’enseignement supérieur et la recherche, les territoires investissent pour leur propre développement. Cohérence, pertinence, égalité d’accès : l’enjeu socio-économique de ce maillage est, lui, bien national.
Dans un monde de la connaissance et du travail de plus en plus ouvert, un consensus existe sur la nécessité de développer pour les universités et les écoles des ancrages et des écosystèmes territoriaux. Il s’agit bien sûr, objectif d’insertion professionnelle oblige, de répondre au développement économique de chaque grand bassin d’emploi. Mais aussi, en résonance avec l’idéal républicain, de densifier les maillages pour prévenir de trop fortes disparités territoriales – et, partant, socio-économiques – d’accès aux formations. Ce double enjeu économique et social appellerait, idéalement, une logique de répartition territoriale de l’offre strate par strate (pays, régions, bassins de vie), afin de limiter les « déserts académiques ». C’est dans ce sens que les élus locaux revendiquent de longue date une gouvernance de l’enseignement supérieur partagée entre métropoles, grandes villes universitaires et Régions.
Équité ou efficacité ?
La raréfaction de la ressource publique dans un contexte de mondialisation des enjeux oblige néanmoins à faire des choix.
Saupoudrage ou focalisation ? D’un côté, l’élargissement de l’accès à l’université et l’amélioration de la qualité d’accueil des étudiants ont conduit , ces dernières décennies, à la multiplication des universités dans les villes moyennes. De l’autre, le renforcement de la France dans une économie de la connaissance mondialisée passe par la concentration des efforts sur les pôles les plus puissants. Équité ou efficacité ? Et s’il était possible de jouer sur les deux tableaux, en misant sur la capacité des territoires à comprendre les problématiques et à animer de manière pertinente le fameux triangle universités-recherche-grandes écoles ? Transferts de technologie, aides aux entreprises innovantes, aux chercheurs, aux investissements dans des équipements de laboratoires publics, aux projets de recherche des organismes publics et des chaires, opérations immobilières, aides aux étudiants et au fonctionnement des établissements : les collectivités contribuent sur tous les fronts au développement et au fonctionnement du système.
La carte de l’enseignement supérieur
reflète de substantielles disparités
Sur la période 2018-2021, les collectivités territoriales ont consacré en moyenne près d’1,4 milliard d’euros par an à l’enseignement supérieur et à la recherche (ESR), dont un gros cinquième au titre du Contrat de plan État-Région (CPER). Ces financements sont dirigés à 55 % vers la recherche et le transfert de technologie (RT) et à 45 % vers l’enseignement supérieur et la vie étudiante (ESVE). La part la plus importante de l’investissement revient aux Régions, qui financent 60 % de l’ESVE et 74 % de la RT. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourvoient l’ESVE à hauteur de 28 % et la RT de 21 %. Quant aux financements des conseils départementaux, ils représentent respectivement 12 % et 5 % des fonds destinés à l’ESVE et à la RT.
Au-delà de cet investissement global des territoires dans la construction, le développement et l’animation du système, force est de constater que la carte de l’enseignement supérieur, aujourd’hui en France, reflète de substantielles disparités.
Le poids de l’Île-de-France
Avec 17 universités contre trois ou quatre « seulement » pour Marseille et Lyon, l’agglomération parisienne pèse de manière considérable dans les équilibres nationaux. Plus du quart des inscrits en université en France et plus du tiers des étudiants de troisième cycle s’y concentrent, avec une position dominante de Paris intra-muros (huit universités, 56 % des étudiants de l’agglomération). Une étude de l’Institut des politiques publiques de l’École d’économie de Paris, sur la démocratisation… années 2000, montre que les étudiants d’Île-de-France ont trois fois plus de chances d’accéder à une grande école que les élèves non-franciliens. Elle révèle également que dans la plupart des départements de l’Hexagone situés au nord, au nord-est et au centre, moins de 4 % des individus scolarisés en troisième en 2005-2006 ont accédé à une grande école. À l’inverse, les taux d’accès sont supérieurs à 7 % dans la plupart des départements franciliens (à l’exception notable de la Seine-Saint-Denis), en Ille-et-Vilaine, dans le Finistère, le Rhône, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, les Pyrénées-Atlantiques, la Gironde, l’Aveyron, les Alpes-Maritimes et le Puy-de-Dôme.
Si la présence d’une offre d’enseignement supérieur constitue un levier essentiel de développement pour les territoires, les collectivités doivent en permanence miser sur une double échelle stratégique, adapter la promesse de formation aux besoins économiques de leurs bassins d’emploi, tout en s’inscrivant dans un impératif plus global d’égalité d’accès aux programmes.