« Le système ne faillit pas dans sa mission d’accès à l’emploi »
L’enseignement supérieur est souvent accusé de déphasage par rapport au monde de l’emploi. Est-ce fondé ?
L’insertion dans le monde du travail des diplômés de l’enseignement supérieur dépasse largement celle des non-diplômés. À cet égard, le système ne faillit pas dans sa mission. Ce, malgré les baisses budgétaires qui l’assèchent d’année en année, et le peu de marge dont les établissements disposent en termes d’organisation et de fonctionnement. On doit en revanche pouvoir travailler sur les écarts entre établissements et entre filières. À cet égard, l’obligation pour les universités de publier leurs statistiques d’insertion, diplôme par diplôme, me semblerait une mesure pertinente, à la fois pour une meilleure transparence de l’offre et pour permettre à chaque structure d’enseignement d’identifier ses propres faiblesses et de les corriger.
La partition de l’offre entre université et grandes écoles nuit-elle à l’efficacité de la logique d’insertion ?
Les réformes successives de l’enseignement supérieur menées en France ces dix dernières années ont conduit à un rapprochement institutionnel entre les deux mondes. Certes, cela a pu donner naissance à des mégastructures difficiles à gérer, mais au moins des coopérations existent et c’est, en soi, un progrès. Reste que l’attractivité du secteur public est un vrai sujet.
L’attractivité du secteur
public est un vrai sujet
Aujourd’hui, Parcoursup référence à la fois les formations d’universités et d’écoles privées, avec des différences de coût parfois énormes. Or, ces dernières années, les inscriptions d’étudiants dans les établissements privés ont augmenté beaucoup plus vite que dans l’enseignement public. Selon les données du ministère de l’Enseignement supérieur, le privé rassemblait 21,3 % des effectifs étudiants en 2020. Voilà qui doit interroger les pouvoirs publics et les responsables d’établissements publics quant à leur capacité de répondre à la demande d’emploi.
Qu’est-ce qui explique le déficit d’attractivité de l’université ?
La difficulté de l’enseignement supérieur public à créer des formations attractives, à intégrer et valoriser les compétences demandées par les entreprises renvoie directement à la question de la gouvernance. L’obligation d’opérer à l’intérieur du périmètre public soumet les universités à des contraintes comptables qui entravent les initiatives. L’autonomie des universités constitue un prérequis à la création de liens constructifs entre l’Université et le monde du travail. Elle permettrait de contractualiser des partenariats en recherche finalisée, de développer les chaires portées par des entreprises ou des filières, de générer des ressources par le truchement de fondations, de recruter les meilleurs chercheurs, d’accélérer le déploiement d’offres en formation continue. Bien entendu, cela supposerait côté universités que l’on choisisse des personnes capables de mener les établissements vers leurs objectifs, et côté secteur privé que les entreprises investissent et s’engagent sur le long terme.