« Former des professionnels éclairés, aptes à comprendre et à décider »
L’enseignement supérieur remplit-il aujourd’hui pleinement sa mission d’insertion professionnelle ?
L’insertion professionnelle a toujours été un objectif central pour les grandes écoles. Elle constitue aujourd’hui une priorité pour le monde universitaire, dont les établissements ont créé ces dernières années des filières sélectives, attractives, avec des taux d’insertion remarquables. On assiste en fait à un mouvement de convergence entre deux systèmes : d’un côté des universités plutôt structurées historiquement autour des disciplines et dont les cursus se professionnalisent nettement. De l’autre, des grandes écoles de plus en plus polarisées sur les savoirs académiques et la recherche, et qui maintiennent bien sûr l’objectif d’insertion professionnelle des étudiants. Cet effet de ciseaux se trouve renforcé par la tendance aux rapprochements institutionnels, avec le développement des Initiatives d’excellence (Idex), l’émergence des grands regroupements.
Est-ce une bonne chose ?
Les métiers que les étudiants exerceront demain n’existent peut-être pas au moment où ils se forment.
La pluridisciplinarité est indispensable
à la compréhension des grands enjeux
Le rôle des établissements d’enseignement supérieur n’est pas de produire des programmes conformes à des fiches de poste, mais de former des professionnels éclairés, aptes à comprendre et à décider. Cela passe, entre autres, par l’hybridation des parcours. La pluridisciplinarité est indispensable à la compréhension des grands enjeux et à la maîtrise des transformations des organisations. Après, toutes les filières ne sont pas égales face à la mission d’insertion et les regroupements fonctionnent avec plus ou moins de bonheur. Mais cette logique d’alliances et de partenariats répond à l’employabilité des personnes.
Qu’en est-il de la possibilité de se former à tout moment ?
La formation continue s’est fortement développée ces dernières années. À EMLyon, elle représente 17 millions d’euros sur un chiffre d’affaires global de 125 millions d’euros. Mon ambition est de porter cette activité à hauteur de 30 millions d’euros d’ici 2025-2026. Les universités souhaiteraient également développer la formation continue. Mais cela requiert des savoir-faire particuliers, des ressources et des moyens significatifs, dont toutes ne disposent pas nécessairement.
La montée en puissance du privé dans les entrées du supérieur fait-elle écho à la professionnalisation du système ?
C’est sans doute moins la logique d’insertion qui prévaut ici que la recherche d’un encadrement pédagogique rapproché, là où la figure de l’université comme lieu d’apprentissage de l’autonomie peut faire peur à certains parents. Par ailleurs, il faut bien distinguer dans cette part de marché du secteur privé, les établissements relevant de la Conférence des grandes écoles et la ribambelle de structures qui ne sont pas reconnues par l’État, ni soumises au système des accréditations. La question à poser n’est donc pas tant celle d’une partition entre public et privé que celle de la qualité des enseignements et de la performance du système.