« Décarboner l’industrie et la mobilité lourde est une absolue nécessité »
Comment se fabrique l’hydrogène renouvelable ?
La fabrication de l’hydrogène est très simple. Vous prenez un verre d’eau, de la potasse ou de la soude, vous mettez deux clous dans le verre, vous reliez les clous à une batterie. Le courant passe et les molécules d’eau sont coupées en deux, avec d’un côté l’hydrogène et de l’autre de l’oxygène. Ce procédé n’est pas nouveau, il date de 1750 et de Lavoisier. L’hydrogène renouvelable que défend H2V résulte de ce procédé, appelé électrolyse de l’eau qui, via un électrolyseur, divise l’eau en hydrogène et en oxygène, à partir d’électricité d’origine renouvelable.
Sa fabrication et son utilisation ne dégagent aucune pollution, ni particule fine, ni oxyde d’azote, ni CO2.
Pourquoi n’embarque-t-on que maintenant dans cette aventure ?
Ce qui a freiné le développement de l’hydrogène, c’est la découverte du pétrole et du gaz naturel. Il a été dès lors moins cher de fabriquer de l’hydrogène « gris », c’est-à-dire produit à partir d’hydrocarbures. L’inconvénient majeur étant que l’hydrogène produit à partir de gaz naturel dégage 10 tonnes de CO2 par tonne d’hydrogène !
Comment sera stocké et transporté l’hydrogène renouvelable ?
Pour un usage massif, la solution la plus probable sera le transport par pipeline, à l’instar du gaz naturel. Les réseaux existants pourront la plupart du temps être utilisés. C’est déjà le cas aux Pays-Bas et en Angleterre. D’après GRDF, 95 % de son réseau est compatible avec l’hydrogène pur. À Saint-Avold (en Moselle, NDLR), un réseau de gaz naturel a même basculé vers l’hydrogène. Des solutions hybrides pourront aussi être mises en place, en injectant de l’hydrogène dans le gaz naturel, quitte à l’extraire ensuite au point d’utilisation. L’hydrogène présente l’inconvénient d’être un gaz très léger. Pour obtenir des quantités intéressantes, il faut le transporter à très haute pression, entre 250 et 300 bars. Le transport à l’état liquide est aussi possible, mais renchérit les coûts, car il convient d’y ajouter la phase de liquéfaction.
Combien coûte l’hydrogène décarboné ?
Environ 3,5-4 euros le kilogramme pour l’hydrogène renouvelable et entre 1,2 et 2 euros pour l’hydrogène gris. Afin de poser le modèle économique, il est indispensable de réduire ces écarts de coûts. Pour y parvenir, il faut miser sur la massification. La technologie retenue par H2V est aujourd’hui la plus mature du marché et les équipements ne présentent pas de complexités particulières.
Comment les pouvoirs publics aident-ils le secteur ?
Le gouvernement veut soutenir la filière. Il le faut, car plusieurs années seront nécessaires avant que le business model ne soit équilibré. De plus, d’un point de vue climatique, décarboner l’industrie et la mobilité lourde est une absolue nécessité. Le principe de compensation est acté dans la loi. Les premiers appels à manifestation d’intérêt du gouvernement, portant sur la production et les usages, sont prévus fin 2022. Les acteurs devront démontrer l’efficience de la réduction de CO2. Sur le long terme, nous misons sur le fait que l’hydrogène décarboné suivra la tendance des énergies renouvelables. En se plaçant sur une perspective à dix ou quinze ans, le prix des ENR va baisser et sera moins cher que celui des énergies fossiles, voire celui de l’électricité nucléaire.
En ce qui concerne les mobilités, qu’apporte le projet industriel d’H2V au port ?
Face aux enjeux climatiques, le Grand Port maritime de Marseille a souhaité prendre une participation dans le projet H2V. C’est un signal fort. Tout ce qui circule sur le port est potentiellement concerné : engins de manutention, remorques, chariots élévateurs, certains bateaux…
La mobilisation des subventions, nationales et européennes, accélère le mouvement. Sans oublier Voies Navigables de France qui souhaite également dépolluer ses couloirs en encourageant les péniches à une transition vers l’hydrogène. Le transport fluvial devrait lui aussi pouvoir être décarboné !