« L’hydrogène apporte davantage de souveraineté que la batterie électrique »
Quelle place l’hydrogène va-t-il jouer dans la décarbonation du transport routier ?
C’est la solution qui permettra de répondre à des usages intensifs, tout en assurant une décarbonation. La Commission européenne demande au secteur du transport routier de baisser ses émissions de CO2 de 55 % par rapport à 2021, et de tendre vers le zéro carbone à l’usage. Cela suppose de passer massivement à l’électrification. Car, en aval, du côté des citoyens, tout le monde a pris goût à la liberté offerte par la mobilité. Il faut donc trouver une solution technique pour décarboner le transport routier, et non pas le restreindre.
Quels sont les avantages des véhicules électriques à l’hydrogène par rapport aux véhicules électriques à batterie ?
Les véhicules électriques à hydrogène sont également zéro émission, mais ils permettent aussi des usages plus intensifs. L’hydrogène apporte également davantage de souveraineté que la batterie électrique, utilisatrice de matériaux stratégiques (nickel, lithium, cobalt…) qui ne sont pas extraits et raffinés dans nos pays. On peut voir le danger de la dépendance, à travers la guerre en Ukraine ou la crise sanitaire. L’hydrogène décarboné, produit avec de l’énergie nucléaire ou renouvelable, nous rendra plus résilients par rapport aux crises qui secouent la planète.
Quels sont les principaux usages de l’hydrogène décarboné dans les transports routiers ?
L’hydrogène est idéal pour les usages professionnels récurrents et intenses. Tout d’abord, dans certains cas, les véhicules utilitaires légers. En cas de besoins d’utilisation importants, les modèles électriques à batterie présentent des inconvénients en termes de temps de recharge et d’autonomie. L’hydrogène est alors une bonne alternative. Des offres existent déjà chez Opel Citroën, Peugeot ou Hyvia (Renault). L’hydrogène pour les véhicules particuliers est un horizon plus lointain, mais peut se développer pour les flottes, affichant un usage intensif et régulier, comme des taxis, parcourant plus de 300 km par jour et roulant plus de huit heures. Autre application, les camions avec des besoins de remplissage fréquents. Ce marché, en amorçage, est aidé au niveau européen, à travers le dispositif IPCEI (projets importants d’intérêt européen commun), pour permettre un déploiement massif à dix-quinze ans. Troisième débouché, les réseaux de bus urbain, souvent engagés dans le zéro émission. Plusieurs villes se sont engagées sur la voie du bus à hydrogène, comme Dunkerque, Pau ou Le Mans. Dernier segment, potentiel mais marginal, des véhicules premium pour particuliers. Nous sommes là sur un marché de niche, comme le modèle Hopium, doté de sa propre pile à combustible, vendu 120 K€. L’hydrogène pourrait alors être associé à du très haut de gamme : Aston Martin, BMW, Mercedes, Jaguar, Maserati, Ferrari…
Que manque-t-il encore pour généraliser les véhicules à hydrogène, encore confidentiels ?
L’important n’est pas, à mon sens, de soutenir l’investissement dans une industrie, mais d’avoir la garantie que les produits soient vendus. Il n’y a pas assez de politique publique pour assurer l’amorçage de la mobilité hydrogène, comme des aides à l’achat. En Allemagne, par exemple, l’État prend en charge 80 % de l’écart d’investissement nécessaire entre un modèle hydrogène et un diesel, pour les véhicules utilitaires légers et les camions. De fait, le client qui fait la démarche vers la mobilité hydrogène ne prend pas un risque financier trop important. Cette solution n’est pas encore appliquée en France. C’est pourtant la seule voie pour faire des volumes et déboucher sur un marché compétitif.
* Directeur de programme véhicules à faible empreinte environnementale de la plateforme de la filière automobile française.