Les territoires s’attellent au défi de l’hydrogène avec les bus urbains
Encore balbutiant pour les véhicules particuliers, l’hydrogène est au contraire mature pour les réseaux de bus urbains. L’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène » de l’Ademe a attiré 59 projets candidats et 18 d’entre eux ont été présélectionnés.
L’hydrogène prend une place croissante dans la décarbonation des réseaux de bus urbains. Lors du dernier appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène » de l’Ademe, 59 projets ont été candidats, et 18 présélectionnés. Au total, ils représentent 38 nouvelles stations de distribution d’hydrogène, 440 véhicules lourds et plusieurs centaines de véhicules utilitaires, permettant de réduire l’équivalent de 75 000 tonnes de CO2/an. Le montant d’aides allouées pourra s’élever jusqu’à 180 M€.
La plus grosse flotte de bus à hydrogène à Nice
Parmi ces projets, d’après L’Abécédaire, Nice Métropole Côte d’Azur projetterait le déploiement de 42 bus à hydrogène en 2024, ce qui en ferait la plus grosse flotte en France. Une unité de valorisation énergétique, couplée à un électrolyseur, devrait permettre une production d’hydrogène vert à prix maîtrisé. « C’est la preuve que l’hydrogène peut décarboner les bus des grandes métropoles », glisse Bertrand Chauvet, consultant spécialisé dans l’hydrogène, à Seiya Consulting. Autre exemple de projet présélectionné, le projet Hy’Touraine, coordonné par la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre, et qui prévoit, entre autres, une station de distribution d’hydrogène renouvelable pour véhicules lourds et légers.
L’Ademe va désormais
proposer des études multi-énergies
Pourquoi cet engouement ? « Pour des raisons d’autonomie, de rendement énergétique et de temps de recharge, la batterie électrique ne peut pas répondre à certains usages de mobilité, comme le transport routier lourd, les lignes de bus assez longues (plus de 150 km parcourus par jour) et/ou avec beaucoup de dénivelés, ou encore les bennes à ordures ménagères », explique Bertrand Chauvet. Et la technologie répond présent. Encore balbutiant pour les véhicules particuliers, happés par l’essor des batteries électriques, l’hydrogène est au contraire mature pour les bus urbains. « En Europe, les commandes de bus arrivent par dizaines. C’est un marché mature, qui sort de plusieurs années d’expérimentations avec les programmes européens », complète une source à l’Ademe.
Contexte législatif porteur pour les bus à hydrogène
Par ailleurs, le contexte législatif accélère la tendance. En France, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a rendu obligatoire, d’ici à 2025, la mutation des réseaux de transport collectif routier vers des flottes de véhicules propres pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que pour les communes de toutes tailles soumises à un plan de protection de l’atmosphère. La révision de cette loi, en novembre 2021, introduit le concept de véhicule à très faible émission. « Autrement dit, un véhicule forcément électrifié, où l’hydrogène a toute sa place, au vu des inconvénients des modèles à batterie électrique (autonomie, rendement, sensibilité au froid, temps de recharge…), décrypte Bertrand Chauvet. La définition précédente de la loi, de « véhicule à faible émission », était vague, et les collectivités ne se sentaient pas poussées à décarboner leur flotte. » Autre vecteur important : le passage à une flotte hydrogène « est un engagement, pour la collectivité, de transition énergétique auprès de sa population », et un vecteur d’attractivité.
L’importance des études d’évaluation
Point noir : les modèles de bus à hydrogène sont encore beaucoup plus chers que leurs homologues à batteries électriques. Alors, faut-il y aller ? Interrogée par L’Abécédaire des Institutions, l’Ademe conseille aux élus de réaliser en amont une étude qui évalue le potentiel de conversion des flottes captives (bus urbains et interurbains, bennes à ordures ménagères) vers la mobilité hydrogène. Les questions-clés : « Quelle est la faisabilité ? Quelles sont les contraintes d’exploitation de chaque ligne ? Quand dois-je y aller ? L’avitaillement se fera-t-il chez un producteur existant, ou faudra-t-il installer un électrolyseur sur place pour produire de l’hydrogène vert ? Sans oublier le potentiel offert par le rétrofitage. » Nouveauté, en termes de méthodologie : « Les études financées par l’Ademe ne se cantonneront plus à une seule énergie. Elles proposeront aux collectivités les choix décarbonés les plus judicieux selon leur dossier. »
Parmi les critères de sélection, le niveau de maturité joue à plein. Pour un dossier hydrogène, « nous demandons à ce que 50 % d’usage soit sécurisé. C’est-à-dire qu’un électrolyseur produisant, par exemple,140 tonnes d’hydrogène par an, devra consommer au moins 70 tonnes d’hydrogène. » Quant aux subventions allouées pour l’acquisition d’un bus, elles peuvent financer entre 35 % et 55 % du surcoût par rapport à un modèle diesel. Enfin, l’anticipation s’impose, en sachant que des investissements structurels (station de recharge, adaptation d’un dépôt de maintenance) sont nécessaires pour un passage à l’hydrogène.