Hauts-de-France • Une monnaie partagée
Le point commun entre l’Eusko, la Luciole, la Gonette, le Golan ou le Cairn ? Ce sont les noms de l’une des 82 monnaies locales en circulation en France au début de cette année 2022. Ce n’est pas anodin, et loin d’être folklorique pour ceux qui en sont à l’initiative et font remarquer que c’est même une manière de « re-partager une valeur commune », « re-échanger » à partir d’une monnaie qui va permettre l’échange au sein d’une communauté. Dans l’Oise, le maire de Golancourt, un banquier de profession, a frappé monnaie locale, qu’il a distribué à ses concitoyens pour les inviter à fréquenter le dernier commerce du village et, ainsi, aider à redynamiser cette épicerie-bar-tabac qui était vouée à la fermeture. C’est un succès, les habitants s’y retrouvent désormais pour acheter local et plutôt bio, en valorisant le voisin, mais aussi pour participer à des soirées à thèmes. Bref, pour « re-vivre » ensemble. L’économiste Jean-Michel Servet avance même l’idée que les monnaies locales permettent de faire avancer la démocratie. Pourquoi ? Parce qu’il y a échange et débat. Dans son ouvrage « Les monnaies du lien », ce professeur à l’Institut des hautes études Internationales de Genève explique que « créer une monnaie » permet au citoyen de s’emparer de la question monétaire. En effet, ces micro-monnaies sont soumises à une gouvernance, un collège d’utilisateurs, de consommateurs, de commerçants, de collectivités locales… C’est un écosystème vertueux où l’on discute et l’on se rencontre afin de s’entendre sur des idées et des valeurs communes. En clair, ce que cette monnaie permettra d’acheter ou pas, en fonction de valeurs communes déterminées par les citoyens. A Genève par exemple, où Jean-Michel Servet a aidé à la mise en circulation du Léman, la monnaie du bassin lémanique transfrontalier, une armurerie avait demandé à intégrer la liste des commerces agréés. Elle s’est heurtée aux citoyens qui, ensemble, n’ont pas donné suite, arguant que leur monnaie locale ne devait pas permettre d’acheter des biens létaux.