Etats-Unis • Le mirage du melting-pot américain
Derrière le drapeau étoilé que brandissent l’ensemble des Américains se cachent de nombreux communautarismes qui conduisent les citoyens à se couper des autres.
On a souvent présenté les Etats-Unis comme la patrie du « vivre ensemble ». Un véritable « melting-pot » qui date du début du XIXème siècle, quand 33 millions d’Européens débarquaient à Ellis Island à partir de 1815, jusqu’à ces communautés asiatiques ou latinos venues elles aussi vivre le « rêve américain ». Et puis il y a les Afro-Américains dont les ancêtres avaient été contraints de traverser l’Atlantique, ou les latinos, arrivés plus tard, au cours du XXème siècle. Pour autant, à bien y regarder, ces communautés auront toujours cohabité, côte à côte, sans jamais réellement se croiser ou vivre ensemble, et le mythe du pays de tous les possibles s’est estompé. La société américaine a même basculé dans des clivages qui n’existaient pas à l’époque du Mouvement des droits civiques (Civil Rights Movement) qui voyait des Afro-Américains et des blancs abolitionnistes lutter ensemble pour que les droits inscrits dans la Constitution soient applicables à tous les citoyens. Des valeurs communes que partageaient Martin Luther King, Rosa Parks et Malcolm X, mais aussi John F. Kennedy avec l’Affirmative Action, ou le président Johnson qui promulguera le Civil Rights Act du 2 juillet 1964, assurant l’abolition de toute ségrégation reposant sur la nationalité, l’origine, la religion, la couleur ou la race. Tous les Etats n’accepteront pas facilement ce nouveau « vivre ensemble », notamment dans le sud des Etats-Unis, mais le « rêve » de Luther King, assassiné en 1968, n’est alors plus une utopie. Tout ne sera pas facile, mais l’Amérique semble se retrouver, à l’aube des années 70, autour de valeurs communes, qu’il s’agisse d’économie libérale ou de la place des Etats-Unis dans le monde, de culture ou de patriotisme.
C’est le temps « béni » d’une grande Amérique aux visages multicolores.
Las, les choses ont changé et les communautés d’hier, qui ne vivaient pas réellement ensemble, mais qui cohabitaient, se sont aujourd’hui tournées le dos. Pas tant les « communautés raciales » que de nouvelles entités qui se sont affirmées ces dix dernières années, parfois de manière très vive, voire violente, et l’on note aujourd’hui une dérive communautariste qui mine le « vivre ensemble ».
Désormais, l’appartenance à un groupe ethnique, religieux, sexuel ou politique semble l’emporter sur tout le reste et la notion de « ghetto » va bien au-delà de la géographie. Il n’est plus si rare de voir des militantes ultra-féministes exiger des interlocuteurs dédiés dans les entreprises ou des hispanos revendiquer l’usage de leur langue dans l’administration. Les « Gated Communities », ces quartiers résidentiels contrôlés, se multiplient, invitant à ne surtout pas se mélanger, quand Facebook propose désormais 52 critères de genre différents pour se définir sexuellement en lieu et place des catégories « Homme » ou « Femme ». Les Etats-Unis affichent une société fragmentée où le « vivre ensemble » ressemble davantage à un « vivre à côté ». Seul point de ralliement, le drapeau américain qui reste, aux yeux de tous, synonyme de liberté. Un mot sacré en Amérique.