« Nous, les élus, devons favoriser le contact, créer du lien quotidien… c’est fondamental »
Sarcelles a longtemps été la ville emblématique du « vivre ensemble ». Pourquoi n’est-ce plus le cas aujourd’hui ?
D’abord parce qu’il y a un retour du religieux, et cela n’incite pas toujours au dialogue ni au « vivre avec l’autre ». On se réunit entre soi, on fréquente un lieu de culte et on ne va pas vers l’autre. Et puis il y a eu des problèmes de délinquance, et la communauté juive, par exemple, s’est refermée sur elle-même, s’est protégée face à des actes antisémites, ce qui est normal. Ensuite, de nouvelles communautés sont arrivées, turques, pakistanaises… et le dialogue n’a plus été naturel.
Il y a une fresque à Sarcelles, qui dit : « Quand j’étais petit, il y avait des musulmans, des juifs, des chrétiens, des noirs, des blancs… C’était juste des copains ». C’est fini ?
Quand j’étais au collège et au lycée à Sarcelles, on se foutait de la religion de nos copains. Ce n’était pas un sujet, on vivait ensemble, dans la même cage d’escalier et on fréquentait la même école. Le jour où la communauté juive s’est refermée sur son propre quartier et a ouvert ses propres écoles pour des raisons de sécurité, le jour où l’islam radical est arrivé, le jour où les classes moyennes ont quitté les quartiers populaires… alors chacun est resté chez soi. Les choses se sont fracturées.
Vous êtes pessimiste ?
Je crains malheureusement qu’il n’y ait plus jamais de brassage. Les gens n’en veulent pas et préfèrent « vivre à côté ».
Quand j’étais au collège,
on se foutait de la religion
de nos copains.
Donc nous, les élus, devons favoriser le contact, créer du lien quotidien, plein de petites actions, des lieux de dialogue et de rencontre qui concernent le peuple. Ça peut être un marché, un stade, des spectacles… c’est fondamental. Il faut parler à toutes les communautés, prendre en compte le fait religieux, être attentif à ce que quotidiennement il y ait des rencontres. Si nous ne l’organisons pas, cela n’existera plus. On cohabite, mais il n’y a plus de dialogue, ni social, ni interreligieux, et on va finir par ne plus se connaître.
D’où votre association, P-4-S. Pourquoi ce nom ?
« Paix, Shlama, Shalom, Salam, Sarcelles »… Parce qu’à Sarcelles, il y a de nombreuses communautés, et que pour se dire « Bonjour », les Chaldéens disent « Shlama », les juifs disent « Shalom » et les musulmans « Salam ». Or tout cela vient du même mot araméen ! En fait, nous parlons tous la même langue. Dans cette association, on fait en sorte que tout le monde se parle, c’est déjà un grand pas. L’idée c’est de vivre ensemble, d’avoir un dialogue quotidien, pas nécessairement sur de grands débats philosophiques, juste se voir, se rencontrer, manger, boire des coups. Recréer du lien.
Les valeurs de la République sont-elles encore partagées ?
Oui, la liberté, l’égalité, la fraternité. A la condition de ne pas nier le fait religieux. Nous sommes dans un monde où le fait religieux prend une importance considérable. Or on peut avoir des religions différentes, mais il faut se respecter, avoir des règles communes. La République doit rester à la base de tout, c’est fondamental !