« L’effet bulle n’est pas une fatalité »
Les algorithmes nous aident à travailler, nous déplacer, nous divertir… mais nous confortent dans nos bulles et nous empêchent d’aller vers les autres ?
Quand on parle algorithmes, on pense souvent réseaux sociaux ! Or tous les algorithmes ne tournent pas sur ces plateformes, et ils ne sont pas tous mauvais, loin de là. Mais vous avez raison, les algorithmes que vous évoquez, de suggestion de contenus et de catégorisation ou ceux de matching (qui permettent par exemple d’établir des listes de candidats, utilisés notamment par les recruteurs, NDLR) tendent à nous enfermer dans des bulles d’opinion et d’observation. Appliqués aux réseaux sociaux, cela peut devenir des bulles cognitives qui nous enferment dans notre propre environnement, ce qui, in fine, renforce nos propres convictions.
Comment « rester ouvert » à l’autre, pour vivre ensemble ?
Les algorithmes sur les réseaux sociaux encouragent les individus à rester entre eux, dans leurs croyances, leurs convictions. Pourtant, je suis convaincue que l’effet bulle n’est pas une fatalité, si l’on parvient à contraindre les plateformes à revoir leurs algorithmes, même si en l’occurrence, elles devront revoir leur modèle économique, qui s’appuie notamment sur la consommation massive et accélérée de contenus. Les algorithmes aident à soigner des gens à distance, à reconnecter les individus, à personnaliser l’éducation pour davantage d’inclusion, à fluidifier le trafic des transports publics ou la logistique d’un hôpital, à détecter plus facilement et plus rapidement des maladies… Les mathématiques ne sont pas mauvaises en soi ! Tout dépend de la manière dont on écrit l’équation et comment on l’utilise.
Est-ce que cela dépend aussi de ce que nous acceptons de « donner » à l’algorithme ?
Oui, de tout ce que l’on accepte de « livrer » à l’algorithme, mais cela dépend aussi de comment on suit son évolution. Un algorithme ne pourra jamais « tout prévoir ». Et même si un jour on nous prédisait le partenaire amoureux idéal – ce dont je doute –, il ne faudrait pas suivre cette recommandation car nos relations passées, mêmes bancales, ont toutes eu raison d’exister, elles nous ont permis d’apprendre sur la vie et sur nous-mêmes.
* Auteure de l’essai « Les algorithmes font-ils la loi ? », aux Editions de l’Observatoire (2021)