L’ÉDITO DE THOMAS BONNEL
La France vient de vivre une campagne politique où la question de ce que doit être notre projet commun a été centrale. Et où la tension entre des visions radicalement opposées s’est exacerbée. On peut d’une certaine manière se réjouir de ce que – après tant d’années de règne de la « pensée unique » et d’absence de confrontations d’idées – le débat se soit enfin réanimé. Mais ce serait négliger le fait, ô combien préoccupant, que ce phénomène traduit un profond mal-être, celui d’une France qui se cherche, entre projet collectif et archipélisation de la société. Entre ceux qui se sentent délaissés et ceux à qui tout semble sourire. Entre les métropoles qui concentrent le dynamisme économique et social, et les « territoires », économiquement à la peine, où se cumulent déserts médicaux, indigence de la couverture internet, disparition des services publics. Une France où le sentiment d’appartenance à des « communautés » met à mal le troisième pilier de la devise nationale : fraternité.
Certes, le sujet n’est pas seulement hexagonal. Et le développement des réseaux sociaux a fortement contribué à ce phénomène : les algorithmes qui proposent des regroupements affinitaires masquent, derrière l’apparence d’une socialisation démultipliée, l’exacerbation de la place de l’individu. Et encore, un individu rêvé, mis en scène à grands renforts de filtres et d’animations proposées par les applis. A portée de clic, nous nous flattons d’avoir des centaines d’« amis » à l’autre bout de la planète, alors que nous ne savons plus rencontrer l’autre au coin de la rue.
Dans ce contexte, que signifie le vivre ensemble ? Comment redonner du sens au mot « société » ? Voilà une question éminemment « politique », au sens étymologique du terme. Et la réponse n’est pas seulement du ressort des décideurs publics : c’est bien l’affaire de nous tous.