Ÿnsect produit des scarabées pour nourrir les animaux d’élevage
Produire de l’alimentation animale à partir d’insectes tout en protégeant le climat : avec ce projet, Ÿnsect a intégré le cercle très fermé des licornes françaises.
Au cœur de la Picardie, tout près d’Amiens, un vaste chantier s’étend au milieu des champs de colza. C’est celui d’Ÿnfarm, qui sera la plus grande ferme verticale du monde quand elle sera inaugurée dans la deuxième moitié de 2022. Ÿnfarm abritera alors un élevage industriel de scarabées Molitor pour produire des protéines et des huiles destinées à l’alimentation animale et piscicole, ainsi que du frass, autrement dit de l’engrais à base de déjections d’insectes. Ÿnfarm est le tout nouveau projet de la greentech Ÿnsect. Cette jeune pousse, fondée en 2011 par quatre militants de l’environnement, exploite déjà deux sites de production. Lorsque sa nouvelle usine, très automatisée, atteindra sa pleine capacité d’ici deux ans, la production pourrait atteindre 200 000 tonnes par an : de quoi nourrir 30 à 40% des saumons consommés chaque année par les Français, d’après Antoine Hubert, cofondateur d’Ÿnsect. L’entreprise disposerait déjà de commandes à hauteur de 88 millions d’euros dans le monde entier pour les quatre prochaines années.
Une solution à la demande croissante de protéines
Ÿnsect veut nourrir la planète en consommant moins d’eau et moins de terres, et en émettant le moins possible de gaz à effet de serre.
Objectif :
produire 200 000 tonnes
d’ingrédients à base
d’insectes d’ici 2 ans.
Ses ingrédients à base d’insectes se substituent aux produits de l’agriculture traditionnelle (farine de poisson, gras de volaille), et permettent d’éviter et de séquestrer plus de carbone que leur chaîne de production n’en émet. Aujourd’hui, plus de la moitié de ses émissions de gaz à effet de serre proviennent de son approvisionnement en matières premières (blé et colza) pour nourrir les insectes. Pour les réduire, Ÿnsect cherche à se fournir localement. D’où son implantation au cœur des filières de blé et de colza de Picardie, où elle a conclu un partenariat pluriannuel avec Noriap, une importante coopérative agricole de la région. Toujours pour limiter son impact sur le climat et s’aligner sur le scénario 1,5°C de l’accord de Paris, Ÿnsect a lancé au printemps 2021 TerrHa 2040. Ce programme d’agriculture régénérative consiste à planter à cet horizon 1 700 km de haies, soit 1,8 million d’arbres, dans les Hauts-de-France. Ce qui devrait permettre de séquestrer 190 000 tonnes de CO2.
D’abord les animaux, ensuite les hommes
Au-delà de la production d’engrais et de protéines pour l’aquaculture et l’alimentation animale, Ÿnsect vise aussi le marché de l’alimentation humaine. Il se trouve que la Commission européenne a autorisé en 2021 la vente de scarabées Molitor pour la consommation humaine. De nouveaux débouchés s’ouvrent donc pour la greentech : la nutrition senior, l’alimentation pour les sportifs, les compléments alimentaires. En janvier 2022, Ÿnsect a aussi lancé le premier programme industriel de sélection génomique des insectes, pour créer des générations d’insectes plus performants sur le plan nutritionnel. Les projets de la start-up ont déjà convaincu les investisseurs : depuis sa création, elle a réussi à lever 400 millions d’euros et projette de construire une centaine de fermes verticales dans le monde, le plus près possible de ses clients. Le marché de l’alimentation animale et des engrais étant estimé à 2,4 milliards de dollars à l’horizon 2030, les marges de croissance d’Ÿnsect sont colossales.