Dépolluer les friches urbaines avec des images 3D et des champignons
La France compte 150 000 ha de sols pollués. Des start-up ont développé des solutions pour les réhabiliter à moindre coût.
En créant une filière de responsabilité élargie du producteur pour le secteur du BTP, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, votée en 2020, a transformé le traitement des déchets du bâtiment en un vaste marché. Un an plus tard, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2030 a été inscrit dans la loi Climat et résilience. Pour l’atteindre, une solution consiste à réhabiliter les friches urbaines, un marché prometteur puisque selon l’Ademe, en France, celles-ci couvriraient une surface de 150 000 ha. Enfin, dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a déployé un fonds de soutien à la réhabilitation des friches. Le contexte est donc très favorable aux innovations dans ce domaine. En voici trois exemples.
Dunkerque
Pour dépolluer le site de la Société de la raffinerie de Dunkerque, Colas a testé l’Hyperspectral Lab de la greentech normande Tellux. Cette solution s’appuie sur la spectro-imagerie, une technologie conçue par la NASA pour la détection spatiale et appliquée à l’analyse des sols. Elle produit une cartographie instantanée en 3D de la nature et de la quantité de polluants organiques présents dans un sol donné, avec une très grande précision. La dépollution devient à la fois plus sélective, plus fiable et moins onéreuse et offre des perspectives de rentabilité à des projets de réhabilitation jugés trop couteux jusqu’à présent. La solution de Tellux, qui a reçu le soutien de l’Agence de la transition écologique (Ademe), pourrait ainsi contribuer activement à la réalisation de l’objectif de ZAN.
Toulouse
À Toulouse, le groupe immobilier ICADE a confié en 2021 la réhabilitation du site d’une ancienne usine aéronautique à la greentech Hesus, spécialisée dans le traitement des terres polluées. Le promoteur veut y construire un ensemble de logements de standing, mais doit au préalable dépolluer le terrain, soit 64 000 tonnes de terres à excaver, trier et évacuer. Hesus applique la solution Smart Sol, développée avec Brézillon, entreprise de travaux de dépollution : elle consiste à prendre en charge la gestion intégrale de l’opération, qui comprend le terrassement, l’évacuation, le tri et la valorisation des déblais, en garantissant la traçabilité des terres excavées, et en optimisant les performances carbone. À Toulouse, 100% des terres excavées du chantier sont valorisées.
Genève
Fin 2020, à Genève, YpHen, une greentech de Thonon-les-Bains, a dépollué 500 tonnes de terre chargées en hydrocarbures, pour le compte d’une filiale suisse de Colas. La start-up, fondée en 2018, a conçu une solution de biomimétisme unique au monde : la mycoremédiation, qui dépollue les sols grâce aux champignons. Dans sa « mycofactory », elle possède une « mycothèque » de 25 souches de champignons habitués à pousser sur des hydrocarbures. Pour améliorer l’efficacité du procédé et traiter de gros volumes de terre, YpHen fait fermenter les champignons. En septembre 2021, elle a lancé sa troisième levée de fonds de 2,3 millions d’euros, qui servira à pré-industrialiser ses procédés en multipliant les sites pilotes.