Les pôles de compétitivité ont-ils atteint leur but ?
Depuis leur création en 2014, et après plusieurs ajustements, les pôles de compétitivité ont apporté la preuve qu’ils pouvaient stimuler l’innovation. En témoigne le dynamisme des greentech dans les territoires.
En 2004, le gouvernement lançait en fanfare les pôles de compétitivité. L’idée consistait à réunir sur un territoire donné des entreprises de toute taille, des établissements d’enseignement supérieur et des centres de recherche. En travaillant ensemble, tous ces acteurs stimuleraient l’innovation dans les territoires, autour de projets soutenus par des financements régionaux, nationaux ou européens.
Le bilan des pôles de compétitivité est plutôt honorable : une étude de 2017 du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de la Direction générale des entreprises (DGE) les jugeait « performants et structurants », avec des effets « globalement positifs pour les territoires », malgré des disparités entre les régions. Selon le ministère de l’Économie et des Finances, 10 000 entreprises et 2 000 organismes de recherche et de formation étaient impliqués dans l’un des 54 pôles répartis sur tout le territoire national, y compris l’outre-mer. Au total, 7,5 milliards d’euros ont été investis dans 2 000 projets innovants. Parmi ces 54 pôles, douze d’entre eux sont consacrés à la transition énergétique, au numérique et à la mobilité. Ils sont regroupés depuis 2018 au sein de la Smart Energy Alliance, qui représente aujourd’hui 2 200 acteurs, dont 1 500 PME, et a déjà labellisé 2 500 projets. Couvrant toutes les régions françaises, cette alliance vise à développer un savoir-faire innovant reconnu au niveau européen, mais aussi à aider les collectivités locales à mettre en œuvre des projets d’énergie sur leurs territoires.
Des financements privés en majorité
Jusqu’à l’automne 2020, les financements des pôles de compétitivité provenaient à 46% du privé : entre 2005 et 2018, les 4 000 projets de R&D passés par les pôles ont été financés par des fonds privés à hauteur de 4,5 milliards d’euros, le reste étant apporté par l’État pour 1,8 milliard via le Fonds unique interministériel (FUI), et par les régions, pour 1,3 milliard.
En 2020,
les greentech françaises
ont levé 1,4 Md€.
La gestion des pôles, elle, est assurée par des associations, dont le fonctionnement a longtemps été financé par l’État. Mais en octobre 2020, le gouvernement a annoncé que l’État se désengageait des pôles de compétitivité au profit des régions, et leur transférait intégralement les crédits de fonctionnement des pôles, soit 15 millions d’euros en 2020. Cette décision s’inscrit dans l’application de la loi NOTRe, dite « Acte III de la décentralisation », qui a étendu la compétence économique des territoires. Pour les régions, le bénéfice est immense : en reprenant en main leurs compétences économiques, elles peuvent soutenir directement le dynamisme des territoires en investissant dans la recherche et l’innovation.
À chaque région sa spécialité
En plus des financements privés et régionaux, les pôles de compétitivité dédiés à la transition énergétique bénéficient aussi du soutien du programme d’investissements d’avenir (PIA) piloté par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Grâce à deux actions phares du PIA, « Démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et « Véhicules et transports du futur », plus de 850 projets ont été labellisés depuis 2010, et ont bénéficié de 2,5 milliards d’euros d’aides au total.
Ce soutien de l’Ademe a contribué à structurer et à spécialiser les filières dans les régions. Dans le Centre-Val-de-Loire, la recherche sur les bornes de recharge des véhicules électriques est devenue une des spécialités du pôle de compétitivité S2E2, à Tours. En Occitanie, 23% des greentech sont dédiées à la production d’énergies éoliennes et solaires, qui couvre 45,8% de la consommation électrique de la région. Elles sont soutenues par le pôle de compétitivité Derbi, qui dispose de deux antennes, à Montpellier et à Toulouse.
Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la filière de l’hydrogène : à Aix-en-Provence, le pôle de compétitivité Capenergies a lancé en 2018 un club hydrogène pour encourager les associations de start-up et de grands groupes. Il a participé à la conception de Jupiter 1000, le premier démonstrateur « Power to gas » de France : c’est une solution de transformation de l’électricité d’origine renouvelable en hydrogène (par électrolyse de l’eau) ou en méthane de synthèse, pour les injecter ensuite dans les réseaux du gaz. Le Grand Est est le champion de l’injection de biométhane dans son réseau énergétique, avec 848 GWh par an, tandis que la Bretagne est en tête pour la part des énergies renouvelables et de récupération dans ses réseaux de chaleur (78%), selon un rapport établi par Greenunivers.
Preuve de la dynamique des greentech sur tout le territoire national : parmi les start-up sélectionnées par le programme French Tech Green 20 en mai 2021 pour favoriser l’émergence de champions de la transition écologique, la moitié était localisée en dehors de l’Île-de-France. Enfin, sur les 1,4 milliard d’euros levés par les greentech françaises en 2020, si les franciliennes se taillaient la part du lion avec 577 millions, celles des régions n’étaient pas en reste, avec 359 millions levés en Auvergne-Rhône-Alpes, 175 millions en Occitanie, et 141 millions en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.