Le Grand Lyon, adepte de la prospective du présent
A Lyon, non seulement on fait de la prospective depuis un quart de siècle, mais on s’en donne les moyens.
Une équipe d’une vingtaine de personnes, un budget avoisinant les 700 000 euros : la direction prospective et dialogue public du Grand Lyon n’a rien à envier aux services prospectifs des plus grandes entreprises. Disons-le tout net : la métropole lyonnaise est sans doute l’une des mieux dotées du paysage territorial français. A sa tête depuis 2009, Pierre Houssais, qui fut précédemment directeur de l’urbanisme prospectif et réglementaire de la ville de Saint-Etienne. « Toutes les métropoles ne disposent pas d’une prospective intégrée. Beaucoup font appel à des cabinets extérieurs et/ou à leurs agences d’urbanisme. La prospective à Lyon a été initiée par Raymond Barre dès 1997. Autant dire qu’elle fait un peu partie des meubles », souligne-t-il. Un historique, des ressources, une caution politique… A la direction prospective du Grand Lyon, on n’a pourtant pas la grosse tête. « Nous n’agissons pas comme un think tank prescriptif. Notre mission est d’outiller les élus et les parties prenantes de la métropole pour les éclairer dans leurs réflexions, leurs arbitrages et leurs décisions. Il s’agit de leur donner les moyens de penser par eux-mêmes, d’élaborer les réponses qui leur conviennent et qu’ils sauront porter et mettre en œuvre », explique Pierre Houssais. Une approche « raisonnable » de la discipline, sciemment éloignée des grandes méthodologies de la scénarisation stratégique et des pas de temps de dix, vingt ou trente ans. « Les scénarios ont leur utilité et nous ne refusons pas a priori de mettre en marche des démarches de ce type. Mais nous avons choisi de faire ce que l’on appelle une “prospective du présent”, ou prospective “embarquée, dans les pratiques, les modes opératoires, les projets, les politiques publiques », note Pierre Houssais.
Entre quinze et vingt études de front
Parmi les matériaux privilégiés par la direction prospective et dialogue publique du Grand Lyon : les tendances et les signaux faibles à partir desquels les clients internes (services, élus et parties prenantes) vont pouvoir interroger les actions et orientations à l’œuvre, le cas échéant les réajuster pour combler les risques de déphasage avec les attentes et besoins des citoyens. « Nous sommes davantage sollicités pour requestionner l’action pas à pas que pour instruire de grands choix stratégiques à coup d’objectivation », commente Pierre Houssais. La direction est organisée autour de trois services (prospective, participation et implication citoyenne, usages) et d’une mission portant sur l’évaluation des politiques publiques. Elle pilote en moyenne entre quinze et vingt études, pour des durées d’accompagnement allant de six mois à plusieurs années.Le changement de couleur politique au niveau de l’exécutif métropolitain a-t-il changé la donne ? Pas de révolution de palais, répond le directeur, qui se félicite d’un certain souci de la continuité. Les sujets traités dans le cadre du nouveau mandat avaient été en partie défrichés lors de la précédente séquence politique. « Après, il est logique que de nouveaux chantiers s’engagent en résonance avec les orientations du nouvel exécutif, je pense notamment aux travaux sur les dynamiques de résilience », commente Pierre Houssais. La gouvernance actuelle a par ailleurs exprimé sa volonté de replacer la prospective au plus près des élus alors qu’elle avait été aspirée depuis une dizaine d’années par l’administration.