La villes numériques, entre pensée magique et réalité urbaine
Loin des fantasmes souvent associés à la smart city, le développement des applications digitales doit servir une conception soutenable des environnements urbains.
Ville intelligente, ville connectée, ville 4.0… Au-delà de l’appellation consacrée, la représentation de la ville du futur renvoie spontanément aux promesses – et aux menaces – d’un univers ultra digitalisé. Sans doute faut-il raison garder. La cité de 2050 ne sera pas transfigurée par des tours photosensibles enracinées sur des quais piézoélectriques satellisés de voitures autonomes volantes. Alors que l’on revient aujourd’hui des élucubrations qui ont accompagné la promotion médiatique débridée de la « smart city » – dont l’expression a souvent été contestée chez les observateurs les plus sérieux du champ urbain –, il convient de s’interroger sereinement sur la place et le rôle du numérique dans les environnements urbains de demain, de dépasser les tensions entre une « pensée magique » de la smart city et la réalité de la ville. Il n’est pas une grande ville qui n’ait aujourd’hui amorcé un projet de stratégie numérique. Partout, la posture techno-solutionniste s’efface derrière le vrai sujet de la révolution numérique : la donnée, matériau immatériel. Dans la mégapole de 2050, il est probable que l’outil technologique se dissolve dans l’environnement.
Vers un pilotage dynamique de la ville
Les opportunités inédites d’analyse et de compréhension des usages offertes par la data constituent un réel atout pour une orientation pragmatique et utilitaire de l’action publique dans ses différents champs d’application.
Le numérique devrait
représenter 7% des émissions de gaz
à effet de serre d’ici 2040.
L’exploitation de la donnée urbaine devrait permettre demain de passer d’un mode de fonctionnement statique à un pilotage dynamique de la ville, d’adapter les grands pans fonctionnels de la cité (voirie, éclairage, réseau de mobilité, sécurité…) aux usages de ses publics, afin d’améliorer leur qualité de vie : augmenter l’intensité de l’éclairage sur un tronçon de trottoir, prolonger l’allumage d’un feu rouge pour retenir un peu plus longtemps des véhicules, alerter les services sanitaires en cas de pics de pollution, adapter la facture de traitement des ordures ménagères en fonction du poids des poubelles relevées…
Approche ciblée des populations
Voilà pour la vision d’utilité publique. Mais les opérateurs travaillent déjà aujourd’hui à une autre échelle : celle des attentes individuelles. S’il ne s’agit pas encore d’apporter des services réellement personnalisés, l’intelligence artificielle va en revanche permettre de cibler les besoins spécifiques de certains groupes de personnes, à l’aune de critères divers : lieu de résidence, pratiques de mobilité, tranche générationnelle… Les recherches menées sur le champ de la silver économie misent sur la combinaison de l’intelligence artificielle, de la data, des applis digitales et des robots pour le maintien à domicile des personnes âgées. L’autre grand défi de la numérisation urbaine renvoie à la question de la soutenabilité énergétique. Le numérique devrait représenter 7% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. Dans tous les domaines, la finance, l’énergie, la production, la consommation, il est admis qu’il s’agit désormais de faire plus avec moins. Dans tous les domaines… sauf celui de la donnée, où le discours est encore sous-tendu par la loi de Moore, le principe d’un « toujours plus » exponentiel. Se pose dès lors une question : voulons-nous d’une ville trop intelligente ?