Préparer les élus aux renoncements futurs
Après avoir forgé le concept de « démobilités », le cabinet Chronos, spécialisé dans la prospective urbaine, veut accompagner les villes dans leurs arbitrages pour demain.
Fondé par le sociologue Bruno Marzloff en 1993, le cabinet Chronos a d’emblée affiché pour signature « Des futurs en commun ». La prospective et les usages seront les deux principes nourriciers de ce laboratoire de la fabrique urbaine, entré en 2015 dans le giron du groupe SOS, leader de l’économie sociale et solidaire. La dimension sociologique des travaux du cabinet renvoie à la place prééminente de l’usager considéré comme inventeur de la ville de demain. Basé à Paris et fort d’un réseau d’agences à Nantes, Lyon, Bordeaux, ainsi que de camps de base à Vannes et à Aix-en-Provence, Chronos partage son activité entre production scientifique, accompagnement des territoires dans leur stratégie de développement, outillage et animation de communautés de réflexion sur le prospective urbaine. Des compétences mobilisées de manière ciblée, en fonction des besoins spécifiques des clients du cabinet. Parmi les thèmes d’étude privilégiés de Chronos : l’évolution des usages de la ville et des territoires (mobilités, travail, consommation, habitat, espaces publics) et les apports du numérique dans la production, la gouvernance et les modèles économiques des services territoriaux. Avec, sur la période la plus récente, une attention toute particulière portée sur les enjeux et les modalités de la transition énergétique.
Cartographier les attachements des citoyens
« Dès 2009, Chronos a énoncé le thème des démobilités, assez iconoclaste à l’époque et devenu depuis un concept référent de la réflexion autour du développement des territoires », raconte Bertil de Fos, directeur général. Cet ingénieur de formation a repris la direction de Chronos en 2015, après avoir travaillé dans plusieurs pays d’Europe dans l’industrie de l’innovation servicielle appliquée aux transports et au e-ticketing et le conseil. Aujourd’hui, la question du renoncement sous-tend nombre de recherches et interventions du cabinet. Il y a dix ans, la ville de Paris avait sollicité Chronos autour de la « dédieselisation ». « Demain, les villes vont devoir décider, piloter et gérer d’autres renoncements : l’extension débridée du périurbain pavillonnaire, les entrepôts géants de type Amazon, etc. Or, les élus ne sont pas outillés pour produire de la décision sur les sujets de renoncement », raconte Bertil de Fos. Chronos souhaite accompagner les villes dans leur capacité à cartographier et mesurer l’attachement des citoyens aux différentes thématiques, dimensions ou pratiques urbaines, condition méthodologique préalable aux choix politiques en matière de renoncement.
Échelles et modalités d’arbitrage
« La question des échelles et des modalités d’arbitrage de la décision va devenir essentielle. Prenons le cas de la ville de Narbonne, qui a soumis le sujet de l’éolien à un jury citoyen. Est-ce la bonne approche ? Pourquoi ? Jusqu’où ? Toutes ces questions vont devenir essentielles dans les jeux de gouvernance de la ville de demain », note Bertil de Fos, très investi dans le champ des intersections entre transition numérique et transition écologique et les coopérations nouvelles entre acteurs publics, privés et citoyens. « Certaines villes lancent leur programme “zéro émission en 2050”, alors qu’elles n’ont la main que sur 15% des sources d’émission sur leur territoire, explique-t-il. Il va leur falloir embarquer les représentants des 85% de contributeurs aux seuils de gaz à effet de serre. Là aussi, elles sont très mal préparées. Il leur faut inventer de nouveaux outils, de nouvelles méthodes. »