2050 : un horizon de référence pour la fabrique de la ville
Penser leurs contours futurs, les villes – en tout cas les plus grandes – le font de longue date. Aujourd’hui, beaucoup ciblent cette échéance de 2050. C’est artificiel, mais ça n’est pas fortuit.
Lieu de concentration des vies, des imaginaires, des cultures, des pouvoirs et des richesses, la ville cristallise les grands enjeux qui traversent et transfigurent nos sociétés. Poser la question de la ville, de sa place, sa forme et ses usages, c’est interroger les évolutions du monde. Imaginer le futur des villes, c’est éclairer la manière d’accompagner ces transformations. Les villes occupent 2% de la surface terrestre et produisent 80% des émissions de gaz à effet de serre. Si elles sont au cœur de la consommation des ressources naturelles, elles sont aussi les premières impactées par les effets du changement climatique, des mutations économiques, sociales et sanitaires.
Métropolisation en marche
Au début du XIXe siècle, 2% de la population mondiale vivait en milieu urbain. A l’horizon 2050, six milliards de personnes, soit presque 70% de la population mondiale, habiteront en zone urbaine. Le nombre de mégapoles, cités dépassant 10 millions d’habitants, passera de 18 en 2016 à plus de 40 dès 2030.
Près de 90% de cette augmentation se concentrera en Asie et en Afrique. La France, pour autant, n’échappe pas à la métropolisation : 80% de ses habitants résident actuellement en ville, et les aires urbaines poursuivent leur développement. En 2050, la part de la population urbaine dans l’Hexagone devrait atteindre les 90%. Déjà, le recensement 2018 montre que 95% des Français vivent sous « influence » urbaine, dépendant de la ville par leur emploi et leurs pratiques quotidiennes. À l’horizon 2040, la population continuera de croître fortement en Île-de-France, le long des façades atlantique et méditerranéenne, et autour des agglomérations toulousaine et lyonnaise.
Organiser la soutenabilité des villes
Cette urbanisation de la démographie soulève des questions essentielles : comment rendre « vivables » les grandes métropoles ?
En 2050,
70% de la population mondiale
habitera en zone urbaine.
Comment organiser leur « soutenabilité » économique, sociale et environnementale ? Bâtir la ville du futur constitue sans doute l’un des grands défis du XXIe siècle. Mais à quelle échelle temporelle envisager la ville de demain ? Le temps des villes est un temps long. Pour autant, si l’on songe aux « villes nouvelles » des années 60 et 70, il semble parfois que certaines cités poussent tellement vite qu’elles vieillissent plus rapidement que les hommes qui les habitent. Tout l’enjeu de la réflexion urbaine renvoie à la capacité des hommes à se reconnaître dans un espace urbain, à trouver et construire des repères d’autant plus durables que nous entrons dans un monde d’incertains.
De la dystopie fictionnelle à la méthodologie prospective
Pourquoi se projeter dans trente ans et pas dans vingt ou dans dix ans ? Pourquoi 2050 ? Le mitan d’un siècle s’apparente toujours dans les consciences à un tournant important, une transition entre deux mondes. Cette forte charge symbolique, par son effet de dramatisation, facilite l’appropriation et la compréhension des messages. 2050 est également une échéance récurrente des plans et programmes politiques internationaux engageant les Etats, les territoires, les entreprises privées, les institutions et les citoyens dans la transition climatique et énergétique. L’horizon 2050 appliqué à la planification urbaine fait écho aux objectifs du deuxième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 2) ainsi qu’aux stratégies d’action de l’ADEME sur l’adaptation au changement climatique et sur l’urbanisme durable. Elle renvoie également à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui fixe un cap de neutralité carbone en 2050. Elle est en outre en phase avec la loi climat et résilience d’août 2021, qui introduit l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) au même horizon. La futurologie urbaine est prolixe d’hypothèses plus ou moins fantasques. Ville sous-marine, ville suspendue, ville itinérante… Autant de dystopies fictionnelles qui reflètent la puissance narrative de la ville. 2050, c’est à la fois loin au regard de l’imminence des enjeux auxquels l’humanité est suspendue et proche à l’échelle de la temporalité urbanistique. C’est en tout cas un étalon raisonnable pour les prospectivistes. S’il est impossible de décrire avec certitude comment nous vivrons dans la ville dans trente ans, nous pouvons tenter d’éclairer aujourd’hui les choix qui seront faits pour demain.