Le nucléaire est confronté à un déficit de main-d’œuvre
La France sait-elle encore construire des centrales nucléaires ? La filière manque de professionnels qualifiés, un défi auquel EDF et le gouvernement tentent de remédier.
Le 9 novembre 2021, le président de la République a annoncé sa décision de relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Une perte dramatique
de rigueur et de savoir-faire
de l’industrie.
Mais une question se pose : la filière française du nucléaire possède-t-elle encore les compétences nécessaires pour mener à bien ces projets ? Pour le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), auditionné au Sénat en mai 2020, la réponse est sévère. Les malfaçons répétées du chantier de Flamanville, en particulier les soudures qui ne sont pas aux normes de solidité et de qualité exigées, ont révélé une perte dramatique de rigueur et de savoir-faire de l’industrie française, s’est-il alarmé. Il pointait « un déficit de culture de précaution », ainsi que « des franchissements de barrières de sûreté » dans d’autres centrales.
Cette préoccupation se vérifie dans les effectifs en baisse de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), qui délivre des diplômes en génie atomique. Longtemps perçu comme une filière d’excellence, le nucléaire ne fait plus recette auprès des étudiants, hantés par le souvenir de Fukushima et tentés par les énergies renouvelables. Le risque existe que les connaissances ne soient pas transmises à une nouvelle génération. EDF et Orano (ex-Areva) évaluent entre 6 et 8 000 recrutements les besoins annuels des 2 500 entreprises du secteur en ingénieurs, chercheurs et techniciens pour les quinze prochaines années.
Situation tendue pour les soudeurs
La filière nucléaire, qui emploie 220 000 personnes, se heurte aussi à un manque chronique de professionnels dans les métiers manuels qui nécessitent un haut niveau de savoir-faire : électriciens industriels, dessinateurs, robinetiers et tuyauteurs, mécaniciens et autres chaudronniers. La situation est particulièrement tendue pour les soudeurs, un métier essentiel pour construire de nouveaux réacteurs ou prolonger la durée de vie du parc existant. Pour tenter de redorer dans l’urgence le blason de la filière, le gouvernement a mis en place en 2021 des mesures de soutien à sa modernisation industrielle et au renforcement de ses compétences. Ces mesures ont été intégrées à l’appel à projets « plan de relance pour l’industrie » opéré par Bpifrance. Elles prévoient des subventions aux PME et ETI de la filière pour qu’elles conservent « les gestes techniques nécessaires à la sûreté des installations nucléaires » ou pour aider au financement de leurs gros projets d’investissements industriels.
Le plan d’EDF pour attirer les talents dont le nucléaire a besoin
En décembre 2019, EDF a lancé le plan Excell avec une quarantaine de partenaires industriels. Ce plan doté de 100 M€ a pour objectif de « permettre à la filière de retrouver le plus haut niveau d’excellence, de qualité et de rigueur ». Parmi ses 25 engagements, plusieurs doivent améliorer la formation aux métiers du nucléaire, par exemple en développant des cursus dédiés aux métiers en tension et en privilégiant l’apprentissage. Une université des métiers du nucléaire a été créée en avril 2021 pour améliorer la formation, avec des innovations pédagogiques et des aides financières destinées aux jeunes.