Uranium : risque de tensions sur les approvisionnements, faute d’investissements
Depuis 2019, selon les pointages de l’Association nucléaire mondiale (ANM), une organisation internationale qui réunit les industriels de l’atome, de l’extraction à la production d’électricité, plusieurs réacteurs nucléaires ont été mis en service en Chine, en Inde, au Pakistan et en Russie. La Biélorussie et les Émirats arabes unis ont inauguré leur premier réacteur nucléaire et l’Égypte, la Pologne et l’Ouzbékistan envisagent de le faire prochainement. D’autres pays, l’Argentine, le Brésil, la Bulgarie, la France et le Royaume-Uni relancent leurs programmes nucléaires. Y aura-t-il assez d’uranium pour alimenter tous ces programmes réalisés ou sur le point de l’être ? Oui, répond l’ANM dans son dernier rapport sorti en septembre 2021, qui contient trois scénarios sur le marché des combustibles nucléaires. Avec des réserves estimées à 8 millions de tonnes en 2019, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’uranium est une ressource abondante et assez bien répartie sur l’ensemble de la planète.
Des projets de production suspendus à cause du Covid
Mais des tensions pourraient bien survenir sur la chaîne d’approvisionnement de l’énergie nucléaire dans les années à venir. En effet l’ANM anticipe une hausse de la demande, et pour la satisfaire, elle recommande que les projets miniers suspendus ou ralentis à cause de la crise du Covid reprennent.
La demande mondiale
en uranium devrait doubler
d’ici 2040.
Elle préconise aussi que de nouveaux projets démarrent sans tarder, étant donné les délais de huit à quinze années nécessaires entre le lancement d’un projet minier et la première livraison d’uranium. L’alerte est réelle : la production d’uranium n’a cessé de baisser tout au long de la décennie écoulée, passant de 63 200 à 47 730 tonnes entre 2016 et 2020. Au Kazakhstan, premier producteur mondial avec 40% de l’offre environ, elle a diminué de 21%. C’est encore plus flagrant au Canada, deuxième producteur, où elle a dégringolé de 75%. Cette chute s’explique par l’effondrement du prix de la livre d’uranium, passé sous la barre des 20 dollars, après l’accident de Fukushima en 2011.
Début 2022 : la rentabilité est de retour
Les groupes miniers ont donc gelé leurs projets d’exploitation, faute de rentabilité. Orano (ex-Areva), qui a épuisé les ressources de sa mine nigérienne d’Akouta et l’a fermée en mars 2021, a ainsi suspendu la mise en exploitation de celle d’Imouraren, dotée de réserves prometteuses de 174 000 tonnes. D’autres fermetures de mines, temporaires à cause du Covid ou définitives, sont également prévues au Canada, aux États-Unis et en Namibie. Mais depuis 2020, la tendance s’est inversée. Début janvier 2022, boosté par la crise au Kazakhstan et le regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire bas carbone, le cours de la livre d’uranium dépassait les 45 dollars, un prix qui se rapproche du seuil de rentabilité des projets d’exploration. Avec 60 réacteurs en construction, 99 en planification avancée et 325 en projet, l’ANM s’attend à un quasi-doublement de la demande mondiale en combustible nucléaire d’ici 2040, de 62 500 à 112 300 tonnes, stimulée par les économies émergentes. La Chine, en particulier, mise sur l’énergie nucléaire pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060, et pourrait devenir en 2030 le premier marché pour l’uranium. Mais ces perspectives n’inquiètent pas EDF, qui affirme avoir garanti ses approvisionnements sur les vingt prochaines années.