Comment l’État peut participer au financement du nouveau nucléaire
Nicolas Goldberg, Senior Manager Énergie & Environnement, Colombus Consulting
Quels sont les principaux défis du nouveau nucléaire français ?
J’en vois essentiellement deux. D’abord, le mode de financement, qui demande à être totalement réinventé. Ensuite, le calendrier, particulièrement ambitieux puisque le scénario de RTE le plus nucléarisé prévoit 14 nouveaux réacteurs d’ici 2050. Si tout se passe bien, à l’issue de la construction des six premiers réacteurs, nous aurons la démonstration que les EPR2 sont une solution viable en 2035 ou 2040. Il restera alors à peine 10 ans avant 2050 pour en construire 8 de plus.
En quoi le financement représente-t-il un gros enjeu ?
Les hypothèses formulées par RTE pour leurs différents scenarios misent sur un coût moyen de 9 Mds € par réacteur et un coût moyen annuel du capital de 4%. Leurs calculs montrent qu’une dérive des coûts du chantier ne changerait pas fondamentalement l’équation financière.
Le coût du capital
et le mode de financement
sont structurants.
En revanche, le coût du capital et donc le mode de financement sont réellement structurants. Si Hinkley Point a été financé sur fonds propres et tarifs de rachat, ce n’est plus possible aujourd’hui. D’une façon ou d’une autre, l’État devra participer. Dans un rapport de décembre 2021, la Cour des comptes souligne que le coût complet du système électrique ne peut être estimé qu’en fonction des modes de régulation choisis. Toute la question est donc de savoir comment bâtir une régulation et un mode de financement cohérents avec la construction de nouveaux réacteurs.
Quelles sont les pistes sur la table ?
Les aides d’État pour une entreprise opérant sur un marché en concurrence sont toujours sujettes à une régulation particulière. C’est un sujet sur lequel le gouvernement travaille, mais qui reste très confidentiel. On peut imaginer une joint-venture entre l’État (via la CDC) et EDF ; une prise de participation directe de l’État dans les nouvelles installations ; un système de concessions comme pour l’hydroélectricité ; un complément de rémunération (1) ; voire un retour du projet Hercule (2) séparant le nucléaire des activités en concurrence.
Ce point peut-il retarder la construction des nouveaux réacteurs ?
Plusieurs préalables s’imposent avant de construire : saisir la Commission nationale du débat public (CNDP), adopter un mode de financement, l’inscrire dans un projet de loi de finances, adapter la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)… EDF prévoit 5 à 6 ans d’instruction suivis de 8 ans de chantier. Depuis la loi de 2016, les travaux de terrassement ne peuvent être engagés avant que le financement ne soit bouclé. Quoi qu’il en soit, le calendrier envisagé est ambitieux.
Pourquoi l’EPR2 serait-il plus rapide à construire et moins coûteux que Flamanville ?
L’EPR2, qui a été audité par la Cour des comptes, contiendra plus de préfabriqué et plus de composants normés. Cela permettra à de plus nombreux fournisseurs de répondre et à EDF d’obtenir plus facilement ses certifications. Et l’exemple d’Hinkley Point démontre l’intérêt des synergies liées à la construction par paire de réacteurs, comme le prévoit EDF pour les nouveaux réacteurs
(1) Prime calculée à partir d’un revenu de marché de référence (revenu moyen sur le marché de l’électricité)
(2) Projet de réorganisation de l’entreprise (ultérieurement rebaptisé Grand EDF) conduisant à une scission de ses activités en trois entités, vivement rejeté par les syndicats et la Commission européenne