Europe : Relancer ou renoncer ? Nos voisins sont divisés
Le débat sur le nucléaire civil n’en finit pas d’agiter les pays européens. Décryptage de quatre décisions différentes, entre abandon franc et définitif, atermoiements et redémarrage enthousiaste.
Pour les gouvernements européens, l’abandon du nucléaire civil est un sujet de débats sans fin. Il faut dire que la décision est difficile à prendre, pour des raisons de sécurité d’approvisionnement énergétique et d’urgence climatique. Certains se désengagent définitivement, d’autres s’apprêtent à relancer massivement la construction de réacteurs.
Pour l’Allemagne et la Suisse, c’est non
Après la catastrophe de Fukushima en mars 2011, les dirigeants allemands ont décidé de sortir de l’atome, alors même qu’ils s’accordaient pour prolonger l’exploitation de réacteurs quelques mois plus tôt. En 2021, seuls six réacteurs fonctionnaient encore, sur les 17 que comptait le pays en 2011, assurant 11% de la production d’électricité.
Le gouvernement anglais
veut construire 19 GW supplémentaires.
Tous doivent s’arrêter à la fin de l’année 2022. Malgré l’augmentation des énergies renouvelables dans la production d’électricité, qui a dépassé les 50% en 2020, le nucléaire a aussi été remplacé par le gaz et le charbon. En Suisse, en 2019, le mix énergétique comptait 35% d’énergie nucléaire fournie par quatre centrales nucléaires, dont la plus ancienne d’Europe, en activité depuis cinquante-deux ans. Mais deux ans plus tôt, les Suisses, consultés par référendum, ont voté pour ne plus en construire de nouvelles. Depuis, une centrale a été arrêtée en 2019. Reste que le pays n’a pas résolu la question de son approvisionnement énergétique et continue d’importer une partie de son électricité. Des discussions seraient en cours sur une prolongation éventuelle de la durée de vie des centrales.
L’Italie tergiverse et le Royaume-Uni fonce
Peu après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, les Italiens ont massivement rejeté le nucléaire par référendum, et l’Italie a fermé les quatre réacteurs qui fournissaient 10% de son électricité. Pourtant le débat n’a jamais été définitivement clos. Silvio Berlusconi avait obtenu en 2009 la construction de quatre EPR par la France, un accord tombé aux oubliettes après Fukushima et un nouveau référendum. Résultat : en 2018, l’Italie était le deuxième importateur net d’électricité du monde, dont 70% en provenance de la France. La hausse des prix de l’énergie et ses conséquences sur la production industrielle ont rouvert le débat au sein du gouvernement, qui a soutenu la France pour inclure le nucléaire dans la taxonomie verte de l’Union européenne. Pas d’hésitation en revanche au Royaume-Uni, où l’énergie nucléaire jouit du soutien de l’opinion publique et fait l’objet d’un consensus entre les principaux partis de gouvernement. Quinze réacteurs assurent 21% de la production d’électricité du pays. Le gouvernement a annoncé en 2017 la construction de 19 GW supplémentaires au cours de la prochaine décennie pour réaliser ses objectifs de réduction de 80% de ses émissions de CO2 d’ici 2050 par rapport à 1990, tout en fournissant une énergie abordable pour les entreprises et les particuliers. EDF Energy, filiale d’EDF qui exploite plusieurs centrales outre-Manche, construit deux réacteurs EPR sur le site de Hinkley Point, dans le Somerset. Leur mise en service, dont la date a été repoussée à plusieurs reprises, est prévue pour juin 2026.