La décennie, unité de temps du nucléaire
En matière de nucléaire, le temps fait beaucoup à l’affaire. Que ce soit le délai entre la décision et l’entrée en service d’un réacteur ou la durée de vie des centrales, sans compter celle des déchets radioactifs.
L’EPR de Flamanville, dont la construction a débuté en 2007 pour une mise en service prévue en 2012, ne fonctionnera pas avant 2023 au mieux. Si ce chantier est devenu emblématique des dérapages en termes de budget et de calendrier, reste que le délai moyen atteint facilement 10 ans.
35 des 56 réacteurs
en service ont été construits
entre 1980 et 1990.
Quels que soient les efforts de la filière française qui se prépare depuis quelques années à la relance de l’atome, impossible de miser sur les premiers EPR2 avant 2035, voire 2040. Dès lors, quel peut être l’apport du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique quand les scientifiques s’accordent sur la nécessité de se désintoxiquer des énergies fossiles au cours de cette décennie ? Pour ses détracteurs, il y a fort à parier que des progrès technologiques et une baisse des coûts des solutions alternatives qui surviendront dans l’intervalle rendent cette option caduque. C’est pourquoi, quelle que soit la part du nucléaire en 2050 (limitée à 50% du mix électrique, tant par la loi que par les capacités industrielles de la filière), il faudra développer au moins autant les énergies renouvelables.
Effet falaise, changement climatique et démantèlement
Outre négaWatt, qui prône une sortie du nucléaire d’ici 2045, l’Ademe et RTE ont également étudié des scénarios 100% renouvelables. Mais au vu des dernières déclarations du chef de l’État et des scénarios RTE, il est plus probable que l’atome soit encore présent dans le mix électrique français de 2050. Se pose alors la question du remplacement partiel du parc actuel. Mais la concentration des constructions dans la décennie 1980-90 (37 des 56 réacteurs actuellement en service) se traduira inéluctablement par un « effet falaise », c’est-à-dire une très rapide diminution du parc. Car, quelles que soient les prolongations accordées (50 ans, déjà autorisés par l’ASN, voire 60 comme en rêve EDF), ces centrales devront toutes fermer quasi en même temps. Une gageure industrielle et financière. La durée de vie des nouveaux réacteurs pose également la question de leur adaptation au changement climatique. Au-delà de 2050, ses impacts sont d’autant plus difficiles à prévoir qu’ils dépendent en partie des politiques menées d’ici là pour l’enrayer. Enfin, le délai de mise en service d’une centrale n’est rien comparé à celui de son démantèlement. Parmi les neuf réacteurs français aujourd’hui à l’arrêt, certains modèles à Uranium graphite gaz (UNGG) le sont depuis… 50 ans. EDF a d’ailleurs annoncé en 2016 le report du démantèlement à 2100… soit plus d’un siècle après leur entrée en service.