Pourquoi le coût du nucléaire fait débat
Si le coût du nucléaire est un élément essentiel pour décider de la construction de nouvelles centrales, son calcul est un exercice complexe en raison des nombreuses incertitudes qu’il recouvre, et qui sont autant de sources de polémiques.
Acceptation sociétale, aversion aux risques et nuisances, soutien à une filière nationale, indépendance énergétique, bilan carbone… Outre ces facteurs à prendre en compte par le décideur public pour bâtir un mix énergétique, le coût reste indispensable pour éclairer son choix. Or le « vrai coût » du nucléaire n’en finit pas de susciter débats et polémiques, d’autant plus vifs qu’il est particulièrement délicat à calculer.
D’abord parce qu’il existe plusieurs méthodes de calcul. Pour l’année 2019, la Cour des comptes évalue entre 50,7 et 68,4 € le mégawattheure (MWh) en sortie de centrale nucléaire. Ensuite, parce qu’il varie notamment selon la durée de vie des centrales. Initialement fixée à 40 ans, celle-ci a été prolongée en 2016 à 50 ans pour les réacteurs de 900 MW. Cette prolongation ajoute des inconnues au calcul du coût global. À commencer par la facture du grand carénage, un ensemble de travaux de consolidation imposés par l’ASN (1) que la Cour évalue à 35 €/MWh au moins. Autres montants difficiles à estimer : les investissements pour gérer combustibles usés et déchets radioactifs supplémentaires.
RTE ne raisonne pas en coûts des énergies, mais en coûts système
Ces incertitudes sont plus importantes encore pour les projets en construction ou à venir. EDF estime le coût de l’EPR de Flamanville à 12,4 Mds € (contre 3,3 milliards initialement prévus) quand la Cour des comptes le chiffre à 19 milliards. Pour les nouveaux EPR2, l’entreprise évalue la construction des six premiers entre 48 et 59 milliards sur 30 ans,17 à 21 Mds € pour la première paire. Un chiffre que le ministère de l’Ecologie évaluerait plutôt entre 52 et 64 milliards, d’après un document révélé par un media spécialisé.
Un mix intégrant du nucléaire
moins onéreux que le mix 100%
renouvelable.
Ces incertitudes sont plus importantes encore pour les projets en construction ou à venir. EDF estime le coût de l’EPR de Flamanville à 12,7 Mds € (contre 3,3 milliards initialement prévus) quand la Cour des comptes le chiffre à 19 milliards. Pour les nouveaux EPR2, l’entreprise évalue la construction des six premiers entre 48 et 59 milliards sur 30 ans,17 à 21 Mds € pour la première paire. Un chiffre que le ministère de l’Ecologie évaluerait plutôt entre 52 et 64 milliards, d’après un document révélé par un media spécialisé. Là encore, le taux d’actualisation à prendre en compte divise, un point essentiel dans une industrie où le coût du capital représente 50% du total. Enfin, le coût du démantèlement fait lui aussi débat, d’autant plus qu’aucune opération n’a encore été menée à terme en France. Plutôt que d’opposer les coûts des différentes technologies, RTE a bâti ses scénarios Futurs énergétiques 2050 sur ceux des différents systèmes électriques. Outre les moyens de production, ce calcul intègre réseaux, interconnexions, moyens de stockage, outils de flexibilité et balance commerciale avec nos voisins européens. Et conclut qu’à 59 Mds € par an, un mix intégrant du nucléaire est moins onéreux qu’un mix 100% renouvelables à 77 Mds € par an en raison des outils de flexibilité, stockage et interconnexions. EDF avait financé Flamanville et Hinkley Point (en Angleterre) sur ses fonds propres. Son endettement (42 milliards en 2021) rend cette solution impossible pour les nouveaux réacteurs. Une nouvelle régulation sera nécessaire, par exemple une révision de l’Arenh (2). L’État pourrait aussi s’engager sur un prix d’achat de l’électricité. Quel que soit le procédé choisi, il devra être validé par la Commission européenne.
(1) Autorité de sûreté nucléaire, qui délivre à l’opérateur les autorisations de fonctionnement des centrales
(2) L’accès régulé au nucléaire historique contraint EDF à céder aux fournisseurs alternatifs une partie de sa production, à un tarif défini par l’Etat, aujourd’hui fixé à 46,2 €/MWh, jugé trop faible par l’entreprise