Le monde entier foisonne de projets innovants dans le nucléaire
SMR, EPR2, fusion : la filière du nucléaire semble saisie d’une frénésie de nouvelles technologies, mais la France n’est pas la mieux placée. Bref tour d’horizon.
Dans son allocution du 9 novembre 2021, le président de la République a annoncé que le parc de centrales nucléaires françaises serait renouvelé à l’horizon 2030-2040 en s’appuyant sur de nouvelles technologies : les EPR2 et les petits réacteurs modulaires. Un milliard d’euros sera investi dans leur développement. Les ardeurs nucléaires de la France ne semblent pas refroidies par l’échec du programme Astrid, un réacteur de quatrième génération qui devait consommer une partie du combustible usé, annoncé en 2015 et abandonné en catimini en 2019.
EDF choisit l’EPR2 pour la France
Malgré les déboires, retards et rallonges budgétaires du réacteur de Flamanville, dans la Manche, EDF n’a pas renoncé à la technologie EPR, pour réacteur nucléaire à eau pressurisée, censée être plus performante que les précédentes générations, et réduire les volumes de déchets et de rejets radioactifs. En février 2021, l’électricien a remis à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un rapport préliminaire de sûreté qui décrit le design de ses futurs réacteurs EPR2. Le gouvernement envisage de construire six de ces nouveaux réacteurs dans son programme de renouvellement du parc nucléaire français. La technologie des EPR2 est basée sur celle de Flamanville. Les éléments qui la constituent sont standardisés, et devraient donc être plus simples et moins chers à construire. Cela suffira-t-il à rendre l’EPR2 attractif à l’exportation ? Rien n’est moins sûr. La Chine multiplie les ouvertures de réacteurs EPR, comme à la centrale de Fuqing : le 1er janvier 2022, son troisième réacteur, qui utilise la même technologie qu’à Flamanville, a été mis en service un an à peine après le démarrage des deux premiers.
SMR : le nucléaire tout terrain
Dans les années 70, la France a fait le choix de produire de l’énergie nucléaire dans d’immenses et coûteuses cathédrales. Aujourd’hui, EDF se prépare à construire des Small Modular Reactors (SMR) à l’horizon 2030 : ces réacteurs de petite taille, d’une puissance de 50 à 200 MW, ne visent pas le marché français, déjà bien équipé, mais l’exportation. Ils peuvent alimenter des territoires non connectés à un réseau électrique, dans des régions éloignées de Sibérie ou du Canada.
70 projets de SMR
sont à l’étude dans
le monde.
Ils peuvent aussi remplacer facilement des centrales à charbon, aider à produire de l’hydrogène ou à dessaler l’eau de mer. Leur potentiel est évalué à 22 GW à l’horizon 2035. Mais EDF n’est pas seul sur ce créneau : 70 projets de SMR seraient à l’étude dans le monde, avec des concurrents bien plus avancés. En Russie, Rosatom a mis en service en 2019 une centrale nucléaire flottante, l’Akademik Lomonosov, avec deux réacteurs de 30 MW. L’Argentine s’apprêterait à finaliser un SMR de 32 MW. Aux États-Unis, un concept de réacteur de 50 MW est en cours de certification. Le Royaume-Uni a investi 490 millions de livres sterling, dont 85 du fonds souverain du Qatar, dans un modèle de réacteur transportable d’une puissance de 200-400 MW, porté par le UK SMR Consortium, sous la direction de Rolls-Royce. La première centrale pourrait être prête vers 2030. À terme, 16 SMR pourraient être implantés sur le territoire britannique.
La fusion a le vent en poupe
Aujourd’hui, la totalité de la production nucléaire mondiale, dont les 56 réacteurs français, repose sur la fission nucléaire : un noyau d’uranium libère de l’énergie en explosant en particules plus petites. Mais le processus inverse, la fusion, qui consiste à assembler des atomes d’hydrogène pour former de l’hélium, produit une énergie propre, sûre, sans émissions
de CO2, et quasi-illimitée.
Seul problème : elle nécessite une température de plus de 100 millions de degrés. Plusieurs pays travaillent sur des projets de fusion. Corée du Sud et Japon développent leurs propres concepts. L’Europe envisage un réacteur de fusion dans les années 2050, le Royaume-Uni dix ans plus tôt. Aux États-Unis, 25 entreprises travaillent sur la fusion, 160 brevets ont été déposés et les investissements cumulés dépassent les 4 milliards de dollars. Leur calendrier est beaucoup plus ambitieux que celui de la recherche publique : les premiers mégawatts issus de la fusion sont annoncés dès 2024, et des réacteurs pourraient être commercialisés dès 2030.
En Chine, le nucléaire dans tous ses états
Pressée de décarboner son approvisionnement énergétique, la Chine fait feu de tout bois : EPR 100% chinois, SMR en construction sur l’île de Hainan, réacteur à neutrons rapides ou fonctionnant au thorium commercialisable dès 2030. Le 30 décembre 2021, avec sa technologie de fusion CFETR, elle est parvenue à atteindre une température de 70 millions de degrés pendant 17 minutes. Cette stratégie tous azimuts lui permettra de choisir, le moment venu, les solutions qui lui conviennent le mieux.
Nuward, le SMR à la française
Nuward est un projet français de SMR, conçu par TechnicAtome, sous la maîtrise d’œuvre d’EDF. Cette petite unité intégrée de 340 MW, composée de deux réacteurs de 170 MW à eau pressurisée, profite du savoir-faire développé pour la propulsion des sous-marins nucléaires. Elle bénéficie d’un financement d’un milliard d’euros pour une mise en service à l’horizon 2030.