La filière française du nucléaire se remet en ordre de marche
Pour sécuriser son approvisionnement et réaliser ses objectifs de neutralité carbone, la France s’apprête à renouveler son parc de centrales. Mais après plusieurs décennies de sous-investissement, cela ne va pas sans quelques incertitudes.
A ce jour, la France n’est pas dans les clous pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Malgré un mix électrique largement décarboné, les autres usages énergétiques, notamment les transports, restent dominés par le gaz et le pétrole. À la clé, une hausse continue des émissions de CO2 et une consommation annuelle de 145 millions de tonnes équivalent pétrole, alors que l’objectif fixé était de 130 millions pour 2020 et que 39 Mds € de produits énergétiques ont été importés en 2019.
Selon le scénario de référence présenté le 25 octobre par RTE* pour atteindre la neutralité carbone en 2050, si la consommation énergétique française doit baisser de 1 600 à 930 térawattheures (TWh), celle d’électricité en revanche doit passer de 475 TWh aujourd’hui (25% du mix énergétique) à 645 TWh en 2050 (55% du mix).
La consommation
d’électricité doit passer
de 475 à 645 TWh
en 2050.
Mais la France est en retard sur le développement de ses capacités de production d’électricité décarbonée. Côté renouvelables, il faudrait en trois ans augmenter de 40% les capacités éoliennes actuelles et quasi doubler les capacités solaires pour rattraper notre retard et respecter les objectifs fixés à échéance 2023 par la Programmation pluri-annuelle de l’énergie (PPE), la feuille de route énergétique française. Côté nucléaire, comme le pointe l’Agence internationale de l’énergie, alors que le parc nucléaire français est vieillissant, aucune décision n’a été prise faute de visibilité sur la politique énergétique au-delà de 2035. À cette date, la part du nucléaire doit atteindre 50% du mix électrique, contre 70% aujourd’hui. Le candidat Emmanuel Macron avait endossé cette promesse de son prédécesseur François Hollande. Tout en en repoussant l’échéance de 2025 à 2035, le président a confirmé dans la PPE la fermeture de 14 réacteurs sur cette période, dont les 2 de Fessenheim à l’été 2020.
Jusqu’à 14 nouveaux réacteurs construits en France d’ici à 2050
Mais, dans la foulée d’un rapport commandé à l’été 2018 par les ministres Le Maire et Hulot préconisant la construction de six EPR2 à compter de 2025, le président demandait à EDF – dont l’Etat est actionnaire à 83,7% – de « travailler à l’élaboration d’un programme nucléaire en prenant des engagements fermes sur le prix ». En parallèle, EDF, Orano (ex-Areva) et Framatome regroupaient leurs forces au sein du Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen), riche de 200 adhérents de toutes tailles. Et toute la filière industrielle, EDF en tête, se mettait en ordre de bataille.
Enfin, dans une allocution télévisée le 9 novembre 2021, Emmanuel Macron annonçait : « Nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays et continuer de développer les énergies renouvelables ». Cela « pour garantir l’indépendance énergétique de la France, l’approvisionnement électrique de notre pays et atteindre nos objectifs, en particulier la neutralité carbone en 2050. » Une décision confortée par les scénarios de RTE pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Sur six scénarios, la moitié s’appuie sur une relance de l’atome, avec la construction de 6 à 14 EPR2. Une perspective qui réjouit les acteurs de la filière, mais laisse ouvertes de nombreuses questions en termes industriels, de calendrier et de financement.
* Futurs énergétiques 2050 – RTE