Fermeture de Fessenheim : caprice politique ou modèle de conversion territoriale ?
Résultant d’une décision politique, la première fermeture d’une centrale servira d’exemple pour les douze autres réacteurs que l’État a décidé de fermer d’ici à 2035.
Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) ont fermé les 22 février et 30 juin 2020, marquant la fin d’un long feuilleton politique entamé près de dix ans auparavant.
Un accord entre le PS et EELV signé avant l’élection présidentielle de 2012 prévoyait en effet « un plan d’évolution du parc nucléaire » et « l’arrêt immédiat de Fessenheim ». Une fois élu, François Hollande annonçait dès septembre 2012 que la centrale serait fermée « à la fin de l’année 2016 dans des conditions qui garantiront la sécurité des approvisionnements de cette région, la reconversion du site et la préservation de tous les emplois ».
Fessenheim représentait
une manne de 14,3 M€
pour les collectivités.
Mais, de rebondissements politiques en tractations financières entre l’Etat et EDF, cette fermeture n’interviendra que près de quatre ans plus tard. Après que l’entreprise eut évoqué la somme de 2 à 3 Mds €, et Ségolène Royal proposé… 100 millions, le montant de la compensation s’établit finalement à 490 M€. Fessenheim n’avait pas été choisie au hasard. Entrés en service en 1977, ses deux réacteurs de 900 MW étaient les plus anciens de l’Hexagone. Située sur une zone sismique et exposée à des risques d’inondation, la centrale irritait par ailleurs l’Allemagne et la Suisse voisines. Mais elle employait aussi quelque 800 agents EDF et représentait plus de 2 000 emplois directs et indirects dans la région. Sur le plan fiscal, c’était une manne de 14,3 M€ pour les collectivités locales, dont 6,5 millions pour la communauté de communes. Surtout, en juillet 2011 et mai 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait autorisé la prolongation des deux réacteurs pour 10 ans sous réserve de travaux. Et la vente de ces MWh (2,4% de la production française) rapportait chaque année à EDF entre 200 et 400 M€ de résultat brut d’exploitation, selon les prix de gros de l’électricité.
L’État veut faire du territoire un démonstrateur transfrontalier de la transition énergétique
En plafonnant le parc nucléaire à 63,2 GW, soit sa capacité d’alors, la loi de transition énergétique définitivement adoptée en 2015 liait la fermeture de Fessenheim à l’entrée en service de Flamanville. En confirmant la fermeture de Fessenheim en 2020, puis de 12 autres réacteurs d’ici à 2035, pour atteindre à cette date 50% du mix électrique, la loi énergie-climat de 2019, traduite dans la PPE adoptée en avril 2020, dissocie les deux événements. Le gouvernement décide alors d’en faire un démonstrateur de la transition énergétique sur un territoire allant de Colmar à Fribourg en Allemagne. Un projet de territoire prévoit le renforcement des partenariats franco-allemands et l’investissement des pouvoirs publics. Une cellule d’accompagnement personnalisé (CAP) est créée pour aider les salariés de sous-traitants à préparer leur évolution professionnelle. Un appel d’offres photovoltaïque de 300 MW spécifique au département du Haut-Rhin est lancé par l’État. Un fonds d’amorçage de 10, puis 15 M€, est créé. EDF doit d’ici 2023 trancher sur l’implantation d’un technocentre dédié au traitement des déchets métalliques de faible activité issus du démantèlement d’installations nucléaires. Celui de Fessenheim, qui devrait durer quinze ans et s’achever d’ici 2040, aura une valeur d’essai pour l’électricien.