Dans un monde qui se réchauffe, le nucléaire apparaît comme un recours
Pressés de décarboner leur production d’électricité, de nombreux pays font le choix du nucléaire et la construction de réacteurs se poursuit partout dans le monde, surtout en Asie. Seule l’Europe paraît hésiter.
Comme l’ont souligné le GIEC, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le secrétaire général de l’ONU en ouverture de la COP26 en novembre 2021 à Glasgow, l’évolution actuelle des émissions mondiales de gaz à effet de serre ne permet en aucun cas de respecter l’accord de Paris. Les 195 pays et l’Union européenne qui l’ont adopté en 2015 s’engageaient à tout mettre en œuvre pour que leurs émissions cumulées n’entraînent pas une hausse des températures moyennes supérieure à 2°C, voire 1,5°C. Au vu de l’évolution des connaissances en climatologie et en particulier des points de bascule, l’objectif de 1,5°C fait désormais consensus.
L’essentiel des émissions provenant de la combustion d’énergies fossiles, la solution repose essentiellement sur la baisse de la consommation énergétique globale et la substitution des énergies fossiles par des énergies décarbonées. Ainsi, le scénario Zéro émission nette (ZEN) de l’AIE implique de réduire les émissions de CO2 de 45% d’ici à 2050, ce qui nécessiterait deux évolutions concomitantes : une baisse de la consommation de 8% d’ici à 2050 malgré la croissance démographique, grâce à un changement des comportements et à la progression de l’efficacité énergétique ; une électrification massive des autres usages énergétiques aujourd’hui dépendants des énergies fossiles : production de froid et de chaleur et, surtout, transports.
L’AIE prévoit que 60% des véhicules devront être électriques d’ici à 2030, et 50% des camions d’ici à 2035. Les ventes de chaudières au fioul devraient être interdites dès 2025 et 50% des bâtiments existants avoir été rénovés de façon efficace en 2040.
De deux à cinq fois plus de nucléaire dans le monde en 2050
L’hydrogène pourrait être amené à jouer un rôle important dans cette transition. Ce gaz, qui présente l’avantage de n’émettre que de l’eau lors de sa combustion, peut également être utilisé pour stocker le surplus d’électricité verte produite par les énergies renouvelables, et contribuer ainsi à la flexibilité des réseaux électriques.
Selon l’AIE, 60% des véhicules
devront être électriques d’ici à 2030.
Selon l’AIE, cette électrification massive entraînera un doublement de la production mondiale d’électricité. Mais quels qu’en soient les usages, y compris pour la fabrication d’hydrogène par électrolyse de l’eau, cette électricité devra impérativement être bas-carbone.
Pour l’AIE, elle devra en 2050 être issue à 90% d’énergies renouvelables et 10% de nucléaire. Ce qui se traduirait par une multiplication de la capacité nucléaire par deux. Le GIEC – qui ne mentionne pas le nucléaire dans sa publication d’août 2021 – avait étudié dans son rapport spécial d’octobre 2018* quatre trajectoires distinctes. Leurs projections se traduisent par une production nucléaire multipliée selon un facteur de 1,5 à 5 entre 2010 et 2050.
Dans le même temps, celle d’électricité verte serait multipliée d’un facteur de 8 à 13, avec une part des renouvelables dans l’énergie primaire entre 49 et 67% en 2050. Après l’accident de Fukushima de mars 2011 où un violent tsunami avait dévasté une centrale, le développement du nucléaire a connu un coup d’arrêt. Le revirement de l’Allemagne sur le sujet est emblématique, mais d’autres pays européens, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, lui ont emboîté le pas. Cependant, à l’échelle mondiale, pas moins de 59 réacteurs sont entrés en construction depuis 2011. Plusieurs pays encore très dépendants au charbon (Europe de l’Est, Inde, Chine) misent à la fois sur les renouvelables et le nucléaire pour se décarboner tout en assurant leur sécurité d’approvisionnement.
Depuis la fin des années 2000, la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est stable à environ 10% et pèse moins de 2% du mix énergétique. Mais avec 29 réacteurs chinois construits ces dix dernières années, son centre de gravité s’est déplacé vers l’Asie, malgré la décision de la Corée d’en sortir.
* Global Warming of 1.5 ºC, IPCC