Soigner l’hôpital pour guérir la santé
Établissements croulant sous la dette, personnels exsangues, lits fermés : l’hôpital, figure centrale du système de santé, a grand besoin d’oxygène.
Il a été tout à la fois le thermomètre, le remède, le laboratoire et le symbole de la crise sanitaire. Durant 18 mois, l’hôpital s’est retrouvé au carrefour de toutes les attentions. Et pour cause… Depuis les ordonnances Debré de 1958 ayant donné naissance aux centres hospitalo-universitaires (CHU), puis la loi hospitalière de 1970 créant le service public hospitalier, l’hôpital est la pièce centrale du système de santé. S’il a incarné l’excellence de la médecine française dans la deuxième moitié du XXème siècle, il est depuis 20 ans plongé dans une profonde crise, que les réformes successives n’ont fait que renforcer.
Le bilan est lourd : une dette de plus de 30 milliards d’euros en 2019 (quatre fois supérieure à son niveau de 2007), une gestion des ressources privilégiant les dépenses improductives et les fonctions administratives (35% des effectifs contre 24% en Allemagne et en Espagne) aux actifs essentiels (soignants et équipements) et, surtout, des personnels rendus exsangues par des années de déconsidération salariale et managériale.
20% des lits fermés dans les CHU et CHR
En octobre 2020, selon une consultation réalisée par l’Ordre des infirmiers, près de 40% des infirmiers déclaraient vouloir changer de métier. Un rapport publié fin octobre 2021 par le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique et du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a révélé qu’au moins 20% des lits disponibles sur le papier sont fermés dans les CHU et CHR, faute de soignants pour les faire fonctionner. Depuis 2013, ce ne sont pas moins de 27 000 lits qui ont été fermés en France. Il en resterait environ 387 000, mais tous ne peuvent être opérationnels, faute, là encore, de personnel.
Un besoin de soft skills
dans les formations initiale
et continue.
L’hôpital public est au bord de la rupture. Le 21 juillet 2020, à l’issue d’une consultation de six semaines, les accords du « Ségur de la santé » accouchaient de 33 mesures pour améliorer les conditions de travail des personnels de santé des Ehpad et des hôpitaux.
Sur la table : 19 milliards d’euros d’investissements pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants, 8,2 milliards de revalorisation salariale, une réserve pour la réouverture de 4 000 lits à la demande, 15 000 recrutements à l’hôpital public. Des mesures importantes, mais insuffisantes à sortir l’institution de 20 ans d’impéritie politique.
Une nouvelle gouvernance, plus de démocratie
L’hôpital a besoin d’une nouvelle gouvernance. La formation et le recrutement des directeurs d’établissement pourraient être affranchis du monopole de fait de l’École des hautes études en santé publique. Une ouverture aux profils issus des sciences sociales et managériales et, de manière plus générale, une plus grande diversité seraient utiles à une prise en compte plus globale des enjeux de l’environnement hospitalier. Les soft skills (ou compétences comportementales) pourraient être introduites dans les formations initiale et continue des professionnels de santé. La désignation des responsables aux différents postes de management de l’hôpital pourrait être confiée au vote des personnels concernés, selon un vrai processus démocratique.