« L’autonomie solidaire, seule perspective de réforme »
Qu’est-ce que la crise sanitaire a révélé de notre système de santé ?
Elle a confirmé les grands travers d’un modèle polarisé sur le soin hospitalier et non sur la santé publique, administrativement ultra-centralisé et coupé du terrain, économiquement prodigue, socialement inapte à infléchir le creusement des inégalités amorcé depuis 40 ans et porté par des personnels formidables mais démotivés, voire désenchantés.
Si nous en sommes là, c’est que le modèle en place, créé au sortir de la seconde guerre mondiale, n’a pas intégré la triple transition démographique, épidémiologique et technologique qui traverse nos sociétés. Face à ces évolutions pourtant aussi déterminantes qu’irréversibles, les gouvernements successifs se sont tous contentés de cautériser les plaies à coup de réformettes. On a pansé le malade sans chercher à le guérir.
Quelles sont les conditions d’une véritable refonte du système ?
Tout d’abord, la réforme ne peut être que systémique. La santé doit être envisagée dans toute sa portée sociale, médicale, économique, géopolitique et même civilisationnelle. Ensuite, une réforme systémique renvoie à un large consensus entre les acteurs du système, dans la classe politique et au sein de la population. Faute de quoi, elle échoue.
Pas de réforme systémique sans un large
consensus entre les acteurs du système.
Elle doit également s’inscrire en résonance avec notre culture. C’est aussi pourquoi j’ai choisi ce concept d’autonomie solidaire, qui puise à la fois dans l’idéal d’autonomie issu de la Révolution française et le solidarisme de la fin XIXème siècle, lui-même substrat d’inspiration du modèle de la Sécurité sociale. Enfin, le nouveau modèle de santé devra répondre à trois grands prérequis : approche systémique, gestion à partir de la demande et démocratisation.
Comment ?
Il faut inverser le modèle, faire basculer la gestion du risque maladie de l’aval vers l’amont, du soin vers le maintien en bonne santé. L’État doit dessiner une vision stratégique de long terme, encadrée par une loi de programmation sanitaire à cinq ans dont les dispositions et mesures sont régulièrement soumises à évaluation. Il doit également déléguer aux collectivités territoriales la responsabilité opérationnelle de plusieurs missions de santé publique. Il s’agit de passer d’un service public hospitalier à un service public territorial de santé, délivré par les acteurs publics et privés. Tout cela doit bien sûr être financé, notamment par un plan d’investissement social en santé de 10 milliards d’euros sur cinq ans, complété par un plan de 5 milliards d’euros dans la prévention médicalisée. Il faut également réallouer les ressources, en diversifiant les modes de paiement et en garantissant une revalorisation durable et juste de la rémunération des soignants. Autre impératif : faire de la santé une source de prospérité économique. Cela passe par une relance de la recherche médicale, la valorisation de l’innovation technologique, une réorganisation de la recherche partagée entre l’ANR, l’INSERM et le CNRS et un budget annuel porté à 5 milliards d’euros dans les cinq ans. C’est un chantier colossal, à la hauteur de ce que nous voulons faire de notre société demain.