« Les inégalités sociales de santé non seulement existent, mais tuent »
Quelle est la situation de santé des habitants de Seine-Saint-Denis ?
Elle est plus dégradée qu’ailleurs en Île-de-France. Les hommes, par exemple, y vivent en moyenne trois ans de moins que dans les Hauts-de-Seine. Bien que nous soyons le département le plus jeune de France métropolitaine, nous sommes particulièrement confrontés à la perte d’autonomie chez les personnes âgées. La Seine-Saint-Denis présente en outre les taux de diabète et de maladies respiratoires chroniques les plus importants de la région. Et les établissements et professionnels de santé nous remontent aujourd’hui d’inquiétants reports de soins et des retards dans la prise en charge de ces maladies chroniques : cancers, santé mentale, etc.
La crise sanitaire a-t-elle aggravé les inégalités sociales et territoriales ?
Nous avons en Seine-Saint-Denis une sur-représentation de métiers en « première ligne » et de logements plus densément peuplés. La surmortalité dans le département, qui pendant le premier confinement a bondi de près de 130% – deux fois plus que dans les Yvelines –, a révélé aux yeux du grand public que les inégalités sociales de santé non seulement existent, mais tuent. Tant que nous ne ferons pas de la lutte contre les inégalités sociales de santé une priorité sur le plan national, elles se reproduiront.
Le département manque-t-il de personnels soignants ?
Bien que territoire urbain, la Seine-Saint-Denis peut être considérée à maints égards comme un désert médical, avec une densité moyenne de généralistes et spécialistes inférieure de 30% à la moyenne nationale.
Une densité de généralistes et spécialistes
inférieure de 30% à la moyenne nationale.
Le secteur hospitalier n’est pas épargné, avec des spécialités particulièrement sinistrées comme la pédiatrie, la gynécologie ou la psychiatrie. Face à un déclin de la démographie médicale qui concernera tout le territoire français dans les prochaines années, il faut une politique plus volontariste de l’État, avec des mesures fortes d’attractivité et d’organisation des soins primaires.
Quelles sont les principales actions du département en matière de santé ?
Nous nous efforçons de compenser où nous le pouvons ce déficit d’offre de soins. Tout d’abord en entretenant notre propre offre, notamment à travers un réseau particulièrement dense de 112 centres de protection maternelle et infantile (PMI). Nous allons également à la rencontre des habitants éloignés des parcours de soins. En 2020, un bus buccodentaire a prodigué des soins à 2 000 écoliers. En mars 2021 un autre bus est parti faire de l’information et de la vaccination contre la Covid-19. Et puisque la santé de demain se construira avec les patients, nous avons créé en 2020 l’Académie populaire de la santé, dispositif unique pour un département, qui vise à faire des citoyens des ambassadeurs de santé auprès de leur entourage.
L’articulation État-collectivités doit-elle être repensée ?
L’organisation de l’offre de soins est du ressort de l’État et doit à mon sens le rester. Mais au-delà du seul soin, je crois que notre pays doit enfin prendre à bras le corps la question de la prévention, pour la sortir des incantations et la traduire en politiques publiques structurantes, à la croisée du social et de la santé. Le département, en tant que chef de file de l’action sociale, en sera nécessairement un rouage important.