Une approche plus globale et transversale des comptes
De l’Assurance maladie aux modes de tarification, les deniers publics doivent servir une gestion plus anticipatrice de la santé.
« Quelles que soient les réformes, souhaitables, menées, il ne sera pas possible de rééquilibrer l’assurance maladie rapidement par la seule maîtrise des dépenses, même avec des hypothèses favorables ». Dont acte. La mise en garde émane d’une note d’étape du Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) publiée après la crise de la Covid-19. La question de la solvabilité du système de santé n’est pas nouvelle, elle revient chaque année dans le débat public. Certes, le défaut de paiement paraît peu probable. Mais le risque d’une nécrose progressive de pans entiers de la santé publique, comme la prévention, est patent.
Revoir l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie
La crise a mis en lumière des besoins que les experts pointaient de plus ou moins longue date. Aujourd’hui, un consensus commence à émerger autour de l’incompatibilité du cadre actuel de régulation du système de santé avec l’horizon de transformations qui se dessine. Accompagner de manière pérenne la transition épidémiologique appelle des investissements conséquents dans les organisations, la prévention, les ressources humaines, les systèmes d’information.
Rémunérer les séquences
de soins plutôt que chacun
des acteurs.
Il faut investir et il faut réformer. Et la réforme ne se fera pas sans une refonte du modèle de financement. Dans le viseur : l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM), mis en place par les ordonnances de 1996 et qui encadre la programmation actuelle des politiques de santé. Dans un récent rapport, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) en appelle à une programmation sur cinq ans plutôt que sur une base annuelle. Ce, afin d’introduire l’instauration d’une provision prudentielle transversale à tous les secteurs. La programmation des finances doit également comporter un volet prospectif à la fois quantitatif (effectifs et répartition) et qualitatif (compétences, missions, statuts, lieux d’exercice, attractivité …), transversal à l’ensemble des professions, aux échelles nationale et locale. L’anticipation devant tenir compte des déterminants de la croissance des dépenses de santé, comme les évolutions démographiques et épidémiologiques, les conditions environnementales, le niveau de vie et de l’inflation.
En finir avec le système dual de tarification
D’un point de vue technique, l’un des grands chantiers de financement porte sur le modèle de tarification. Actuellement, deux modes de financement des soins coexistent en France. La tarification à l’activité (T2A) ou au séjour, modèle productiviste – et même inflationniste – et la « dotation annuelle de financement », enveloppe globale dédiée à certaines missions de service public (psychiatrie ou réadaptation). Ce système binaire s’avère aujourd’hui non pertinent. Le rapport portant sur les “Réformes de modes de financement et de régulation du système de santé français”, ou “rapport Aubert”, remis le 29 janvier 2019 à la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzin, développe la piste d’une rémunération des séquences de soins (intervention chirurgicale, puis séances de rééducation par exemple) plutôt que les acteurs de santé œuvrant chacun de leur côté. C’est ce qu’on appelle outre-Atlantique ou dans les pays nordiques le “bundled payment”, un modèle de paiement qui requiert que les acteurs travaillent conjointement à la qualité et la pertinence de la prise en charge du patient et qu’ils s’accordent sur la meilleure répartition du financement commun.